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Le Vase des Arts

Dieu se reconvertit

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L'art de jouer la comédie

Didier Bénureau (à gauche) prend un air entendu qui déroute Jean-François Balmer.

Sur le papier l’idée est maigre : Dieu, la Création terminée, cherche un emploi. Après une semaine d’entretiens d’embauche, sa candidature n’est pas retenue.

Mais sur scène trois facteurs entrent en jeu pour faire de Le CV de Dieu un spectacle comique plaisant, et qui a plu au public du Mail.

Il y a le texte en duo de Jean-Louis Fournier, qui n’entre pas dans un débat théologico-philosophique sur l’existence ou la nature de Dieu. Il fait rire en allant chercher l’humour dans la couche la moins profonde et la plus fertile du terreau comique, là où les mots d’esprit et les plaisanteries viennent de la situation, simples, évidents (une fois dits, pas avant !). « Monsieur… comment je vous appelle ? » demande le DRH. « Mon Dieu. » « Bon, Monsieur Mon Dieu. » Il aide Dieu à remplir sa fiche. « Date de naissance ? » Hésitation, puis « Avant Jésus Christ ». Parmi les questions cherchant à éclairer le caractère du candidat : « Avez-vous une passion ? » « Non….. mais mon Fils oui. »

Le DRH, peintre amateur ébloui d’avoir Dieu, créateur de tant de millions d’aubes, en face de lui, ne peut cependant pas s’empêcher de trouver celle de la veille, rose bonbon avec à côté un vert acide, un tantinet « kitsch ». Dieu n’apprécie guère.

Le comique vient de l’écart criant entre le statut transcendant de Dieu et ses susceptibilités bien humaines, entre sa solitude auguste là-haut et sa maladresse sociale ici-bas.

Un autre facteur : le jeu des deux acteurs. Jean-François Balmer accorde son jeu parfaitement entre grandeur et agacement ; il est arrogant et il fait pitié en revendiquant et en défendant ses prouesses créatrices. Il explique avec mansuétude et un gestuel éloquent pourquoi il a transformé sa première idée, un cube, en boule terrestre – parce qu’il a pensé à ceux qui seraient assis sur les pointes.

Didier Bénureau trouve aussi le ton juste pour basculer entre humilité devant le Tout-Puissant et la supériorité d’un petit chef devant la vulnérabilité d’un candidat.

Il y a un troisième facteur : la mise en scène de Françoise Petit (ancienne directrice du Mail, dont elle a trouvé le nom). Elle a enrichi le texte par des astuces dont le texte ne parle pas. Le DRH, boule d’énergie nerveuse, se détend par une série de gymnastiques qui se prolonge jusqu’à devenir une danse chorégraphiée. Aurait-elle expliqué au costumier Jean Bauer que Dieu, étant à l’origine de tout, du bon goût par exemple, mais alors du mauvais aussi, arriverait pour son entretien vêtu en lamé argent, une étole extravagante drapant l’épaule ?

Et la fin ? Dieu et le DRH, désormais à tu et à toi, partiront ensemble au Ciel pour pêcher, peindre et se tenir compagnie. Le CV de Dieu marche parce qu’il ne tourne Dieu en dérision que gentiment, sans jamais devenir transgressif. Les croyants dans la salle ont pu rire, en se trouvant une largeur d’esprit méritoire.

Jean-François Balmer, retrouvé en civil après le spectacle, répond en souriant à la question « Qu’est-ce que cela vous fait de jouer à Soissons ? » Il avoue sa surprise : « J’ai trouvé que le public avait de la chaleur, et ce n’était pas mon souvenir ici. » On pouvait lui suggérer que les salles pleines qui se succèdent ont généré un enthousiasme qui est peut-être nouveau.

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