Pour annoncer Hier j’arrête, le spectacle de l’humoriste Doully, le programme de la saison l’avait marqué d’une pastille interdisant l’accès aux « moins que 16 ans » Cela faisait imaginer une soirée digne plutôt d’un petit cinéma douteux de Montmartre, mais transposée dans le grand auditorium du Mail. A quels excès allait-elle se livrer ?
Doully arrive sur scène pieds nus, s’appuyant sur des béquilles qu’elle rend à un aide. Elle s’appuie constamment d’une main sur le pied du micro, qu’elle tient dans autre main. L’image est d’une femme fragile mais prête à tout.(*)
Elle établit le contact avec la salle, pose des questions sur Soissons, choisit ses interlocuteurs, chaque phrase se terminant par un rire rauque. Sa voix a déjà été beaucoup commentée au cours de sa carrière. Comme elle-même a déjà dit ailleurs, « Je ne suis pas bourrée, je suis née avec cette voix. » Eraillée, cassée même, changeant constamment de hauteur, mais accueillante, chaleureuse. D’un handicap Doully a fait un atout.
Les préliminaires terminés, le cadre posé, elle aborde son texte, écrit en collaboration avec Blanche Gardin. Son passé mouvementé, ses addictions, ses mauvais choix sentimentaux, ses autres écarts. Une anthologie des risques qu’elle a pris. Et auxquels elle a survécu.
Est-ce le vocabulaire cru et les détails scabreux qui ont justifié la limite d’âge ? La même précaution n’avait pas été prise pour Mathieu Madenian en 2019, autre piétineur des convenances . Cet humoriste agissait comme un adolescent attardé bravant tous les interdits, agressant les interlocuteurs qu’il se choisissait dans la salle, les questionnant sur leur sexualité, comme s’il craignait d’avoir l’air fin s’il ne choquait pas.
Le contraste est saisissant. Les enfants étant éloignés, Doully peut parler du pire en faisant rire. Sous l’emphase c’est une tendre. Elle a été si aimable avec un spectateur du premier rang qu’il est monté sur scène pour le karaoke final à deux.
Il n’y avait pas que des sujets transgressifs : sa tirade féroce et hilarante contre le végétarisme et le végétalisme a été reçue avec une hilarité réjouissante.
Le titre du spectacle reflète le monde fantasmé des utilisateurs de drogues dures : la décision d’arrêter c’était hier, juré craché ; aujourd’hui c’est fait, j’en donne ma tête à couper. Et demain on verra.
Le sens de son discours, derrière les excès, le vocabulaire cru, des provocations, est positif. Elle est devant le public, son passé est devenu son gagne-pain, et son message est clair : si loin qu’elle soit allée, elle en est revenue. Elle s’en est remise et elle en remet en partageant son expérience.
(*) Doully souffre d’une forme non-fatale de la maladie de Charcot.
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