« Vue d’ensemble », photos, peintures, collages, Galerie du Mail 2-13 juin ; vernissage le 5 juin à 18h30.
« Conquête illustrée de la Nouvelle Espagne », éd. L’Homme bleu 2015
Il y a trente ans, Michel Gasqui et Jean Maffioletti ont créé le groupe « Gasma Photomontages », synthèse de leurs deux noms. Maoïstes à l’époque, ils faisaient de l’« agitprop », agitation et propagande politiques avec, comme modèle, le communiste allemand John Heartfield. Puis ils ont adapté la technique pour explorer le rapprochement d’éléments divers et faire entendre des résonances inédites. Le collage peut paraître une activité modeste qui laisse la création première à d’autres, mais en leur imposant un autre sens, ce qui est la créativité même.
Après une vie d’enseignants à Paris, ils ont pris leur retraite, Jean à Laon, son pays natal, et Michel à Soissons. Leur collaboration s’est poursuivie, mais de son côté Jean s’est tourné vers la photo, alors que Michel a exposé ses peintures sous le nom Migas Chelsky, au Mail et à la Bibliothèque.
Ils se retrouvent en juin pour une « Vue d’ensemble » des photos de l’un et des peintures et dessins de l’autre, avec des photomontages de Gasma. « Trois œuvres en résonance, trois itinéraires qui se croisent, trois tentatives de créer des mondes » expliquent-ils. « Nous avions envie d’exposer ensemble, quatorze ans après la dernière fois. »
Faire chanter d’autres voix
Ce n’est pas tout. Gasma vient de sortir un livre, fruit d’un vieux projet sur la colonisation des Aztèques du Mexique – « pas politique mais avec un aspect politique » disent les auteurs.
Jean Maffioletti (à g.) et Michel Gasqui parlent de leur livre autour d’un café.
L’histoire des conquêtes espagnoles est connue surtout par la voix d’Européens : Cortés qui envoyait ses « Lettres de relation » au roi d’Espagne, le conquistador Bernal de Castillo, l’historien William Prescott au 19e siècle, ou même, sur un ton de compassion, le dominicain Las Casas.
Dans son album « Conquête illustrée de la Nouvelle Espagne », Gasma s’est inspiré d’un recueil de 1983 de textes traduits du Nahuatl ou de l’espagnol, rédigés par des « conquis prestement alphabétisés » (les Aztèques n’avaient pas d’alphabet).
Un des photomontages de l’exposition.
Il ne s’agit pas de reprendre l’histoire, mais de faire chanter d’autres voix, transmettre le sens d’une autre culture, une autre vision du monde. L’écriture a quelque chose d’incantatoire : « An un-Roseau. C’est là que les Espagnols surgirent. Ils venaient d’entre les nuages et les brouillards. Ils venaient sur l’eau du ciel. » A l’entrée de Cortés dans une ville, « c’était comme si la terre s’était couchée pour mourir ».
Le lecteur est emporté, sentant le poids d’un destin qui bascule, et que ses victimes n’ont pas de termes pour se le rendre intelligible.
Les illustrations lient des gravures, souvent de Croisés, à d’autres éléments, le tout en sépia. Pour les regarder, il vaut mieux renoncer à une analyse logique et structurelle et, à travers les formes, pénétrer dans l’âme d’un peuple.
L’album est disponible dans les librairies de Soissons, ou au 03 23 21 18 03.
denis.mahaffey@levase.fr