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Exposition

Gravure : les contraintes qui inspirent

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L'art de la taille douce

Clin d’œil vers le numérique : un écran plat et sa télécommande

Cynghanedd, la poétique galloise, qui s’applique aux poètes du Pays de Galles écrivant dans leur langue, est un ensemble complexe de règles médiévales d’accent, allitération et rime. N’étrangle-t-elle pas leur inspiration ? Au contraire, les contraintes les inspirent, en les évinçant de leur zone de confort. Leur vision doit être assez éloquente pour passer la barrière.

La gravure, telle qu’en parle Jean-Christophe Sylvos, a le même effet. Un dessinateur prend ses crayons et son papier, un peintre ses tubes de peinture et ses pinceaux et couteaux ; le travail reste souple, les erreurs récupérables. Un graveur burine chaque trait de son image avec un instrument dans une plaque de zinc ou de cuivre, devant faire passer son inspiration par ces traits en creux. La moindre perte de contrôle et le travail est ruiné.

Fleurs, feuilles, chat en noir et blanc

Impressions, une exposition rétrospective des gravures de JYCé (c’est son nom de graveur professionnel) a lieu à Soissons, dans les locaux d’un cabinet de dentiste de la rue Quinquet à Soissons. Benoît Samson, collectionneur qui possède des œuvres de JYCé, met les lieux à disposition. L’exposition comprend 23 gravures, disposées autour de l’espace d’accueil du cabinet, entre des portes vitrées, et dans la salle d’attente. « Je souhaite que la beauté apporte un apaisement à ceux qui peuvent être anxieux » explique JYCé.

La plupart de ses gravures, de fleurs et feuillages, d’oiseaux, de chats, sont en noir et blanc, ou des tons nuancés. L’artiste y traduit une vision onirique, mystérieuse. « Le romantisme a d’ailleurs laissé des traces profondes dans le style et le thème de mes gravures » a-t-il écrit.

JYCé, enseignant de formation, était déjà connu dans les milieux artistiques soissonnais pour ses dessins. Il y a dix ans il s’est tourné vers la gravure, a fait des formations, notamment auprès du buriniste Joël Roche – qui lui a conseillé très vite à exposer ses travaux. Il a eu rapidement un certain succès. Il préfère exposer dans des salons. Ce sont des expositions de groupe mais, explique-t-il, « Il y a une sélection par un jury », ce qui assure la qualité de ce qui est inclus. Il vient d’ailleurs de gagner le prix de l’Artisanat d’Art au Salon des Artistes Laonnois.

Il trouve que la gravure, par la concentration technique qu’elle exige, est thérapeutique. Jean Christophe Sylvos admet avoir été stressé, ce qui peut expliquer son engagement dans l’art, ce recours contre le vide. En dix ans JYCé a produit quarante gravures.

Que faire devant une plaque de métal ? « Je fais mon dessin, le pose sur une feuille de papier carbone sur la plaque et retrace les traits. Puis je prends mon outil et enlève le métal sur les lignes tracées. »

Jean-Christophe Sylvos (à gauche) avec Benoît Samson

Il pratique la taille douce, technique qui consiste à creuser les traits de l’image, appliquer l’encre sur la plaque, l’essuyer pour n’en laisser que dans les creux, puis la passer dans une presse à taille-douce pour transférer l’image sur le papier.

Celui qui regarde attentivement les gravures de JYCé peut se trouver sensible surtout à chaque trait minuscule. A la différence d’un dessin ou d’un tableau, où l’œil embrasse d’abord l’ensemble de l’image puis peut pénétrer dans les détails, le regard vers une gravure tend à être attiré par les traits qui fondent l’image, puis, comme s’il reculait, l’image qu’ils composent.

Cela reflète-t-il l’approche de l’artiste, qui doit se concentrer sur l’outil qui burine la surface, en faisant confiance au travail préparatoire de transfert de son image ? Comme pour le Cynghanedd, un graveur doit toujours se plier aux contraintes techniques du médium. Toute spontanéité facile lui est interdite. L’imagination s’envole mieux, peut-on dire, lorsqu’elle est enfermée dans une cage : c’est le paradoxe de la créativité.


Impressions, Cabinet des Drs Samson et Fontaine, 4 rue Quinquet, Soissons. Entrée libre pour le public : mardi, jeudi et vendredi 9h-19h, mercredi 9h-18h jusqu’au 31 décembre.

[04/12/19 : Article modifié pour tenir compte d’une précision de l’artiste sur les métaux utilisés par un graveur.]

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