Irina Sergienko devant une de ses toiles.
Quand Irina Sergienko a exposé pour la première fois à Soissons en 2007, le public a tardé à venir. Appelé à écrire quelque chose sur son exposition, je suis entré dans la salle des Arquebusiers presque vide. La première impression était de vêtements ecclésiastiques orthodoxes, aux broderies riches, aux couleurs opulentes. Puis les toiles se détaillaient. Un réseau de lignes noires ondulantes traversait des pans de couleurs. Regardées de plus près, ces lignes formaient des personnages qui dansaient, moins par plaisir que pour conjurer un sort, comme dans une danse de mort médiévale. Autour de chaque toile, une bordure de créatures mythiques.
Pour une nouvelle exposition avec une autre peintre russe, Elena Baltiskaïa, à Fère-en-Tardenois, Irina n’inclut que quelques toiles dans ce style, mais au bord épaissi, en relief. « Je voulais changer » admet-elle. Elle a peint une série de grands tableaux représentant de jeunes filles aux grands yeux en amande, sans expression, comme attendant que la vie vienne y mettre du sens. Il est facile de regretter l’ancienne opulence, mais un artiste ne peut pas faire du sur-place.
Elena Baltiskaïa avec son “Oiseau de feu”.
Elena Baltiskaïa expose de plus petites toiles montrant des personnages mythiques russes, dessinées et peintes avec la même précision qu’une icône. Certaines avaient été accrochées à Arthé en 2013. Elle indique une récente toile, montrant « Zhar-ptitsa », l’oiseau de feu, si puissant « qu’une simple plume peut éclairer une grande salle ». Car ces images sages reflètent une mythologie de bravoure, de menace, de phénomènes grotesques. Elena a peint la vieille sorcière « Baba Yaga », sans montrer sa maison, notoirement montée sur des pattes de poule.
Au vernissage de cette double exposition les visiteurs, dont des notables locaux, se pressaient autour des artistes et leurs œuvres. Elles sont à présent connues. Irina Sergienko, née à Rostov-sur-le-Don et qui habite Trélou-sur-Marne, et Elena Baltiskaïa, née à Saint-Petersbourg et qui habite Saponay, apportent la richesse et l’imaginaire russes à leur pays d’adoption.
Centre Camille Claudel, Fère en Tardenois, jusqu’au 29 novembre.
denis.mahaffey@levase.fr