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Exposition

L’exposition de l’inconvenable

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L'art à digérer

Ceux qui croient que le rôle de l’art est d’élever l’esprit par la beauté et la grâce des images auront du mal à digérer (c’est bien le mot) l’exposition « La grande bouffe » au musée de Soissons. Les tableaux italiens qui entourent « Une scène bachique », attribuée à Niccolò Frangipani et nouvellement restaurée pour l’occasion, montrent les excès grotesques, bouffons, en un mot vulgaires, des appétits humains. Des fêtards de tous âges y bâfrent, lampent, ricanent dans une ambiance délurée.

Comment réagir ? Un catalogue place ces toiles savamment dans leur contexte historico-artistique. Le spectateur peut apprécier les compositions bouillonnantes ; il peut aller jusqu’à voir ses propres voracités, quelles qu’elles soient : c’est aussi le rôle de l’art.

Cette exposition se rattache à la grande manifestation régionale, « Heures italiennes, un voyage dans l’art italien des Primitifs au Rococo ». Cette exploration des collections publiques dans les musées et églises picards est inspirée par le titre d’un recueil d’essais de l’auteur américain Henry James au sujet des monuments et artistes de l’Italie, publié en 1909.

Ce projet a pris forme en 2013 lors de l’inventaire établi par les musées de Picardie de leurs tableaux italiens. En 2017, quatre expositions ont réunis les résultats riches de ces recherches, à Amiens, Beauvais, Chantilly et Compiègne. Ce sont les « 4 temps forts » des « Heures italiennes ».

La fusion des régions pour former les Hauts de France a changé la donne, menant à l’organisation de quatorze « expositions satellites » dans d’autres villes de la nouvelle entité.

Soissons allait-elle pouvoir s’y joindre ? La direction a trouvé dans son fonds ancien la « Scène bachique », devenue du coup le point d’appui de l’exposition, sous le commissariat joint de Sophie Laroche, conservateur du musée de Soissons, et de Christophe Brouard, qui s’occupe de l’ensemble du projet « Heures italiennes ».

Le choix a été fait d’entourer ce tableau central d’autres œuvres, prêtées par des musées même en dehors de la Région et dont le contenu ferait plutôt penser aux peintres flamands, et qui sont pourtant italiennes. Selon le catalogue, il s’agit « d’une peinture facétieuse mettant en scène gueux, vilains et paysans dans des situations cocasses ». Ces « situations » correspondent bien souvent à des agapes qui feraient penser plutôt à des « bouffes », par la gourmandise débraillée qui s’y étale sans vergogne. Les appétits ne sont pas toujours convenables, et l’exposition fait le lien entre ces excès et le film de Marco Ferreri, « La grande bouffe », dans lequel quatre convives se suicident en boustifaillant jusqu’à la mort. C’est illustré dans la section de l’exposition consacrée au cinéma italien. Ceci dit, les personnages dans les tableaux n’ont pas l’air suicidaire, même s’ils encourent de sérieux risques de problèmes intestinaux, de cholestérol, d’alcoolisme et d’obésité.

« La grande bouffe » ajoute aux autres expositions des « Heures italiennes » un grand ricanement gras.

L’exposition est également la dernière réalisation de la directrice Sophie Laroche qui, après son passage à Soissons, s’en va au musée de Nancy.

Musée de Soissons jusqu’au 11 mars 2018

denis.mahaffey@levase.fr

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