Quand il était enfant, Nils Pigerre avait peur des orages. « J’allumais les lumières, je me bouchais les oreilles, j’étais effrayé. C’était l’Apocalypse. »
L’entendre parler maintenant de son activité de « chasseur d’orages » permet de mesurer la distance parcourue depuis ces peurs enfantines. Pour tous les savoirs, compétences et connaissances qu’il a fallu acquérir, Nils est un bel exemple de l’autodidacte à l’âge d’Internet. La météo ? La photo ? Conception d’un site ? « Sur Internet » répond-t-il chaque fois. Même pour les complexes prises de vue des éclairs ? « Sur le tas : je copiais les réglages indiqués, et petit à petit… »
Il a aussi un don pédagogique pour renseigner sans condescendre ni s’appesantir. La différence entre un éclair et la foudre ? « Il y a les éclairs intra-nuageux, dont on ne voit que la lumière reflétés ; les inter-nuageux, ce sont les éclairs ramifiés ; et enfin les éclairs avec impact, qui frappent le sol. C’est la foudre. »
Nils est né à Chauny, a grandi à Berny-Rivière, vit à Soissons et travaille à Dormans comme pédicure-podologue. Il a toujours été fasciné par « l’immensité » de la météorologie : « Je notais des relevés et m’intéressais à la complexité des nuages. » Pourquoi ne pas en avoir fait son métier ? « Un ami météorologue passait son temps dans un bureau. Je voulais agir par passion, non pas par intérêt professionnel. »
« J’ai pris mes premières photos de nuages et d’orages avec un téléphone. J’ai eu mon premier appareil photo à vingt ans » – il y a sept ans. En 2011 il a commencé ses « sorties » de chasseur, des virées en voiture, d’abord près de Soissons, mais qui se sont étendues, parfois 700 kilomètres en une journée. Il choisit la destination d’après les prévisions et les modèles numériques de météo. La saison des orages dure d’avril à octobre : « Il faut de l’air chaud et de l’air froid pour avoir un orage. » Il attend donc avec impatience de recommencer.
Nils photographie aussi les nuages et les scènes de neige, mais ce sont des images d’éclairs qu’il expose actuellement à l’Unité des soins palliatifs de l’hôpital de Soissons. Elles fixent dans le détail ce qui se perçoit autrement comme un soudain éblouissement, permettent d’étudier les ramifications foisonnantes, d’apprécier la beauté de ces lumières qui rayent un ciel en turbulence.
Il est plus facile de photographier ces phénomènes la nuit, en se fiant à de longues expositions, jusqu’à trente secondes. Le jour, Nils se sert d’un détecteur infrarouge, qui fait se déclencher la prise, dès l’apparition de l’éclair.
Que chasse-t-il encore ? « Quelque chose de plus, par exemple une tornade.» Une image montre un foudroiement à 600 mètres. « J’aimerais être à 100 mètres. » Cette audace actuelle a-t-elle émergé de la peur primitive, deux faces de la même fascination ?
Pour les avertis : Nils Pigerre utilise un Canon reflex numérique EOS 550d. Les réglages des images dans la galerie sont indiqués dans les légendes.
Son site : www.photo-orages.com
denis.mahaffey@levase.fr