Soudain, quelques notes de musique s’entendent à travers la cathédrale. S’agira-t-il d’un de ces enregistrements d’orgue qui polluent la quiétude des églises entre les offices, une couche de son sans fin censée distraire les touristes ? Les notes s’arrêtent. Puis recommencent, le son d’une clarinette qui, loin de tout répertoire liturgique, laisse sentir les balancements du jazz.
Le musicien se tient dans le collatéral sud près du portail. Il joue sans faire attention aux passants, et sans qu’ils fassent bien attention à lui. Il s’arrête, range les parties de son instrument dans son étui.
Wolf Ruschke est allemande. Il voyage avec sa femme, qui explique que « son hobby est de jouer dans les églises ». Il avait demandé l’autorisation avant de commencer à improviser dans celle d’Amiens. Il trouve l’espace trop grand pour sa musique, mais en fait on pouvait l’entendre de l’autre côté de la nef.
Le couple part à présent pour Beauvais. D’où est-il originaire ? « La ville de Hanovre. » Près de Stadthagen, ville jumelée avec Soissons ? « A quarante, cinquante kilomètres. » Le monde est petit. Et dans ce petit monde, Wolf Ruschke viendra-t-il un jour animer avec sa clarinette les très belles proportions de notre cathédrale ?