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Le Vase des Arts

Il arrive, le cirque !

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L'art des cirques

Vecteezy (*)

Pour cet intermède que les Allemands appellent « entre les années », le Vase des Arts propose un cirque du pays soissonnais qui brode très librement sur le canevas traditionnel.

Il souhaite aussi à ses lecteurs une année d’ouvertures et de curiosité.

 

C’était dans les années 80. Il était temps de fixer le programme des fêtes de fin d’année.

Il a été décidé que les enfants de l’école feraient le spectacle du Sapin de Noël de la Commune. Quel spectacle ? En couple de parents d’un des élèves, nous avons proposé de les transformer en artistes de cirque. Nous avions deux semaines pour en faire des acrobates, trapézistes, dompteurs, prestidigitateurs, clowns. Défi colossal ? Nous verrions. Nous avions notre arme secrète.

Le jour venu, le spectacle est annoncé de la scène de la salle communale de Chacrise, village à la tête de la Crise, une tresse d’eau qui suit ses boucles jusqu’à l’Aisne. « Vous avez entendu parler de la grande crise du cirque en France ; eh bien nous vous présentons ce soir le Grand Cirque de la Crise en France ! » Et les rideaux s’écartent.

Fermez les yeux. Imaginez la suite.

Des corps volants qui sautent, plongent, tournent en toupie suspendus aux cintres, montent en flèche et descendent en piqué, se balancent dans le vide. Vertigineux, à donner le vertige à chaque spectateur. Costumes pailletés, d’or et d’argent, éclairés par des rangs de projecteurs éblouissants, à éblouir chaque spectateur. Tours terrifiants sur le plateau, à terroriser chaque spectateur. Pour terminer, la grande parade, sur une musique à la fois militaire et dansante. D’abord les animaux : les éléphants, chacun tenant dans sa trompe la queue de celui qui le précède ; les chevaux à tête emplumée caracolant en cercle, tenus par leurs cavalières ; les chimpanzés espiègles en jaquette de velours brodé. A leur suite les artistes, qui défilent en saluant la foule en liesse : les filles en uniforme avec une casquette de quarante centimètres de haut; les garçons dont le gilet en peau de léopard ne cache pas les biceps et pectoraux ; les clowns patauds qui s’entrecognent avec des parapluies mous. En somme, un cirque que suivraient tous les gamins fugueurs du pays, comme le Joueur de Flûte de Hamelin.

Maintenant, ouvrez les yeux.

Funambule. Virginie entre et déroule une corde par terre. Elle ouvre un parasol imaginaire et, comme une danseuse, avance délicatement, posant précautionneusement un pied devant l’autre. Parfois elle titube, mais récupère son équilibre et arrive, avec une dernière pirouette, à l’autre bout.

Trapéziste. Les trapèzes sont accrochés en hauteur, hors de vue des spectateurs. Trois membres de la troupe regardent d’en bas. Quand le trapéziste se lance, leurs têtes suivent la parabole qu’il décrit au ciel. Il revient, repart, revient, et les têtes en bas n’en ratent pas une seconde. Il arrive au point culminant de sa prestation, et les trois têtes en bas décrivent les trois cercles de son triple saut périlleux !

Lanceuse de couteaux. Xavier, l’air paniqué, est attaché contre le mur de fond, jambes et bras écartés. Une accompagnatrice amène Valérie, si myope qu’elle s‘apprête à lancer ses couteaux invisibles vers les rangs serrés de spectateurs. On rectifie sa position et – Zoum ! – le premier couteau part contre le mur, loin de Xavier. Quand ils sont tous jetés, sans qu’aucun n’atteigne son but, ni Xavier, Valérie salue son public. On l’emmène.

Fauves. Ludovic amène des puces savantes dans une boîte à chaussures. Il en extrait une entre le pouce et l’index, la pose sur le dos de l’autre main, et les spectateurs assistent aux sauts mirobolants. Le dompteur a un œil sur chaque mouvement de ses circassiens. Soudain, c’est l’incident. Entre le début du saut et la redescente Ludovic perd la trace de la sauteuse. Paniqué, il cherche partout, puis s’arrête pour se gratter à travers son pull, puis au cou, puis à la poitrine. Les membres de la troupe sur scène se mettent à se gratter furieusement. Profitant de l’inattention de leur gardien, les puces avaient monté une évasion en masse.

Clowns. Hervé et Mathijs entrent vite en scène pour faire oublier l’anicroche. Leurs chaussures clouées à une grande planche, et se cramponnant l’un à l’autre, ils se balancent comme des cocotiers dans une tempête, tout en chantant en playback le duo d’amour de La Bohème.

Le Grand Cirque de la Crise a déclenché de longs applaudissements. Les rideaux de scène s’ouvraient et se refermaient avec une rapidité qui prolongeait savamment l’enthousiasme de la salle.

D’un côté, donc, le fantasme éculé du cirque traditionnel. De l’autre, des enfants se jouant de ces conventions, les allégeant, les explorant. Ils se moquent des usages, mais le miracle de toujours a lieu : en faisant le bonheur d’un public de jeunes et d’adultes, il les transforme tous en enfants, d’âge ou de cœur.

Le cirque mimé avait pris vingt minutes, en première partie de soirée avant le Père Noël, l’attraction vedette.

Commentaires : denis.mahaffey@levase.fr

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Danse

La Passion selon Piazzolla

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L'art du tango

[Photo Axonance]

Le compositeur argentin Astor Piazzolla, déjà célèbre pour son œuvre inspiré par les rythmes du tango, passe à un autre niveau de renommée en devenant le sujet d’une composition d’un autre compositeur, argentin aussi. Martin Palmeri a écrit la Pasíon segun Astor qui sera chanté et joué au concert donné par l’ensemble choral Axonance à la Cité de la Musique de Soissons le 27 mai. Avec le compositeur au piano, Axonance et son directeur Stéphane Candat seront accompagnés par le quintette à cordes’ensemble de chambre Ad Libitum, le bandonéoniste Jeremy Vannereau, et même deux danseurs du tango. Il y aura des pièces et chants solos du compositeur, dont Libertango et Adios Nonino, adieu déchirant à son père.

Stéphane Cantat, fondateur et directeur d’Axonance [Photo Axonance]

Axonance a été créé en 2017 pour pallier à la disparition du Studio choral de l’Aisne, privée de sa subvention départementale. Il a commencé à se faire une réputation par ses récitals et concerts, dont celui du Nouvel An dans le cellier nouvellement aménagé de l’abbaye Saint-Jean-des-Vignes. Il vise à donner trois ou quatre concerts par an – financés, il faut dire, par les recettes et les cotisations des membres.

Même dans les chorales où les membres chantent surtout pour le plaisir, ils s’impliquent beaucoup. Axonance visant une qualité quasi-professionnelle, avec des choristes déjà de bon niveau, l’engagement doit être soutenu et fort. Chaque choriste vise à travailler la pratique chorale dans un environnement vocal réduit, pour assurer une homogénéité et un son adapté à chaque esthétique musicale. Ils se retrouvent deux demi-journées par mois et le répertoire s’étend des débuts du Baroque au XXIe siècle. L’ensemble se dirige vers des programmes chambristes, à capella ou accompagné de l’orgue ou du piano. Le concert Piazzolla est donc exceptionnel.

Axonance recrute des chanteurs venus de chœurs de la Marne, de l’Aisne et de l’Oise, mais il est soissonnais, créé dans la ville quelques heures après la destruction de la Rose de la cathédrale par la tempête Egon – et il a chanté lors de l’inauguration du nouveau vitrail en 2022.

La musique de Piazzolla et son bandonéon ont pris leur place parmi le plus grands dans les salles de concert, mettant les sens en émoi, communiquant ses rythmes langoureux  aux mêmes publics que Mozart et Beethoven. Destin prestigieux pour le tango, né dans les bordels de Buenos Aires, et dont le rythme subvertit la bienséance en y glissant une sensualité entêtante.


La Pasíon segun Astor, 27 mai à 20h à la CMD ; 28 mai à 16h, église Saint-Maurice, Reims.

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Le Vase des Arts

La sociologie des banlieues au théâtre

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L'art du théâtre appliqué

Sortis à peine de Les Coquettes (titre laconique et même coquet pour trois humoristes débordant d’énergie et d’à propos sur les sujets qui préoccupent et fâchent les femmes), les spectateurs du Mail – certes peut-être pas les mêmes, et en moins grand nombre – ont pris place dans la même grande salle pour un spectacle de la compagnie Légendes Urbaines : Et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions je crois. Comme, Ce que je reproche le plus résolument à l’architecture française, c’est son manque de tendresse, venue à Soissons en 2021 (*), le titre est tout un programme, un brin provocateur, une façon d’éviter de coller une étiquette rapide sur le sujet abordé.

Le sujet, une constante pour la compagnie, est l’environnement urbain, celui des « quartiers », des « banlieues » populaires. Il s’agit de repérer, derrière les représentations courantes de ces milieux, la vie de ceux qui y trouvent ou ne trouvent pas leur épanouissement, et les raisons matérielles – la conception des grands ensembles – des ratés sociaux.

Le point de départ de la nouvelle pièce est un reportage sensationnel diffusé à la télévision, montrant entre autres l’absence générale de femmes dans certains quartiers, dans les rues et de façon encore plus flagrante dans les cafés. La pièce examine l’origine du reportage, son degré de vérité ou de manipulation, et démonte les mythes autour de tels quartiers portés par les média.

Une question purement théâtrale se pose aussitôt : comment rendre « dramatique » un tel thème, éviter une étude sociologique qui n’accrochera pas le public dans la salle ?

David Farjon est David Pujadas.

La réponse est aussi théâtrale : utiliser tous les ressorts dramatiques pour illustrer les propos. Les six  acteurs maîtrisent parfaitement un style naturaliste pour changer de rôles, multiplier les personnages. Ils font des numéros époustouflants, tel le rappeur qui se raconte, ou David Farjon, fondateur de Légendes Urbaines, en parfait interprète du présentateur David Pujadas, dans les coulisses de son émission.

Il y a des mises en abyme, comme quand les journalistes, assis autour d’une table pour discuter, apparaissent en même temps sur un grand écran.

L’imagination est illimitée : pour revenir dans le montage de la discussion filmée, les comédiens se lèvent et font marche arrière en accéléré jusqu’au point à éditer.

Ainsi, même un spectateur peu concerné par le sujet de l’environnement urbain est attiré en impliqué par les astuces du théâtre. A nouveau, Légendes Urbaines met en scène une étude sociologique en la rendant fascinante et inattendue. Un acteur « interprète » un texte ; Et c’est un sentiment qu’il faut que nous combattions je crois interprète la vie des quartiers qu’il met en scène.


(*) Jouée dans la petite salle du Mail, qui a l’avantage de la proximité entre acteurs et spectateurs, et le désavantage d’imposer à presque tout le monde de voir seule une partie de la scène entre les deux têtes devant.

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Exposition

Purevbaatar Tumurchudur, peintre et musicien mongol : première exposition en France

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L'art de la peinture et de la flûte

Une amulette de protection

Le café associatif Au Bon Coin fait connaître de nombreux peintres, sculpteurs, graveurs, photographes, en leur ouvrant sa petite galerie, de la taille d’une chambre à coucher, Il a réussi un coup en y hébergeant la première exposition en France de l’artiste et musicien mongol Purevbaatar Tumurchudur (« Puugii » pour son entourage).

Le cerf rouge

La Mongolie appartient a ces quelques pays qui mettent le feu à l’imagination par leur taille (1 500 000 kilomètres carrés pour les trois millions de Mongols), leur histoire tumultueuse (le Mongol Genghis Khan a créé le plus grand empire contigu qui a jamais existé – mais qui s’est presque aussitôt évanoui), et surtout parce que peu de gens savent, sans aller chercher un atlas, où ils se trouvent (la Mongolie est entre la Russie au Nord et la Chine au Sud).

Puugii est né en 1976 à Oulan Bator, capitale de la Mongolie. Lourdement handicapé de naissance, à cause d’un médicament prescrit à sa mère, il aurait pu rester à l’écart de la vie active. Mais il avait une telle force de caractère qu’il a fait la grève de la faim pour aller à l’école « Mon père m’y portait sur le dos, et mes camarades de classe me montaient jusqu’au 4e étage. »

Après avoir gagné un prix à quinze ans dans un concours national de dessin, il a participé à de nombreuses expositions, puis étudié aux Beaux-Arts. Sa première exposition individuelle a eu lieu en 2013 dans une galerie de la capitale.

Puugii est arrivé en France en 2017 avec sa femme « Muugii » (« Papa » et « Maman » en langue mongole) et leurs quatre enfants. Ils vivent à Compiègne. Ayant obtenu ses « papiers », comme on dit, il s’est trouvé dans l’obligation administrative d’apprendre le français. Il est entré ainsi en relation avec l’association Solidarité et Jalons pour le Travail, dont la professeure de français, Annie Molina, venue au vernissage de son exposition pour l’accompagner et raconter son histoire. L’association humanitaire soissonnaise Yo Contigo l’a connu à travers son atelier hebdomadaire à Compiègne. Anne Miranda, à la fois présidente du Bon Coin et bénévole à Yo Contigo, lui a proposé une exposition à Soissons.

Malgré les obstacles que la vie a posés sur son chemin – ou peut-être à force de les franchir – Puugii est un homme affable, souriant, avec un regard espiègle. Il parle français, certes avec quelques trous (qu’Annie Molina est toujours prête à combler à sa place).

Avant de montrer ses toiles, Puugii a donné la preuve d’un autre talent, en jouant une flute mongole. L’instrument a été adapté pour lui permettre d’accéder aux deux dernières notes du bas avec le moignon de son bras droit. Cette musique donne déjà un avant-goût du pays, loin par la distance, mais dont la musique est presque familière, dont un air qu’il a composé en hommage à sa femme.

Pour voir la vidéo, cliquer sur le lien.

La galerie offre un concentré de l’art de Puugii, qui reproduit non pas les paysages de steppes et montagnes, mais les contes, les images icônes, un monde qui est vaste aussi, à l’échelle du pays. Comment trouve-t-il ses sujets ? « Je forme des projets dans ma tête et puis je peins. » Les images traduisent un monde inconnu à l’Occident, mais possèdent l’universalité des légendes et mythes, un langage accessible à tout spectateur prêt à laisser éveiller son l’imagination.


Exposition ouverte jusqu’au 3 juin, les mardi, mercredi et jeudi de 10h à 14h, et le samedi de 9h30 à 12h.

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