Sans aide ni financement officiels, le Soissonnais jouit d’une solide entente musicale avec les Pays-Bas. Les responsables : deux Néerlandais qui ont acheté une maison à Ressons-le Long en 2001, d’abord pour y passer une semaine par mois puis, à partir de 2004, pour y vivre. Cordistes amateurs (de haut niveau), Ingeborg Kleijnjan au violon et Zwier Regelink a l’alto se sont tout de suite investis dans des groupes locaux pour jouer aussi bien la musique de chambre que folk.
Ils ont adhéré au Cercle Musical, où Ingeborg est devenue violon soliste et même chef d’orchestre pour les répétitions.
Par ailleurs, ils ont profité de leurs contacts aux Pays-Bas pour faire venir des musiciens avec un répertoire d’œuvres surtout néerlandaises et flamandes.
Depuis 2012 l’ensemble de cordistes le Kennemer Consort de Haarlem vient chaque année vient pour un stage à Ambleny, et ensuite donnent un concert public dans l’église d’Ambleny.
Jehan Ockeghem (c.1410-1497)
Cette année le Camusette Consort, spécialiste de la musique ancienne, et également de Haarlem, a pris ses quartiers à Ambleny pour la première fois (*). Après son stage, ce groupe de musiciens a donné un récital à l’ancienne chapelle Saint-Charles à Soissons, sous le titre Jehan Ockeghem et ses héritiers. Ockeghem, né près de Mons vers 1410, est connu surtout pour avoir développé la composition contrapuntique. Par ses efforts le simple canon, où plusieurs voix chantent la même ligne mélodique, en la décalant horizontalement (Frère Jacques), est devenue une technique dans laquelle plusieurs lignes mélodiques indépendantes forment une seule structure harmonique.
Les neuf membres du Camusette Consort ont voulu honorer ce grand compositeur peu connu, et faire entendre aussi ceux qui ont appliqué ses avancées dans le contrepoint, notamment Josquin Desprez.
Ce qu’ils allaient jouer a été commenté avec vigueur par leur directeur (et ténor), Willem Mook, dans le jardin qui côtoie la chapelle, où les musiciens attendaient d’entrer en scène. Interrogé sur le choix de la musique de la Haute Renaissance (fin 15e début 16e siècles), il a répondu « Mais c’est la plus belle musique du monde ! »
Difficile de le contredire dès le premier morceau, Nymphes des bois de Desprez, sous-titré La déploration d’Ockeghem, suivi d’œuvres d’Ockeghem, Brumel, Pierchon de la Rose, Loyset Compère, Juan Vasquez.
Le jeu des neuf musiciens (soprano, contralto, ténor, baryton, basse, basse et violon, violes de gambe alto et basse, luth), suivant chacun une ligne musicale distincte, est bien complexe, comme s’ils créaient une tapisserie avec des fils de différentes nuances de couleur ; chaque élément reste distinct, comme un détail du tableau sur la tapisserie, mais se place aussi dans une structure qui représente la totalité du tableau.
C’est un phénomène qui dépasse l’analyse. La musique d’Ockeghem et de ses héritiers possède une structuration minutieuse contrapuntique et polyphonique, mais les auditeurs sont sensibles surtout à sa capacité à dépasser les moyens et atteindre une fin sublime. Il était possible, le temps du concert, de confirmer que c’était bien « la plus belle musique du monde ».
Un commentaire ? denis.mahaffey@levase.fr