Cette enquête développe les informations publiées dans le Vase Communicant n° 308 sur les compagnies et groupes de théâtre amateurs du Soissonnais. Comment font-elles face au «vide Covid» ? La question leur a été posée.
La première réaction est souvent la même : un constat plutôt sombre de leur situation. «Presque rien », «en attente», «niveau d’activité jamais plus bas», «le moral n’est pas terrible ». Puis viennent tout de même des espoirs, intentions et projets pour l’avenir, quand les comédiens qui le sont seulement pour le plaisir pourront remonter sur scène.
* Théâtre du Grenier : pour Nicolas Pierson «le moral est dans les chaussettes». La dernière représentation de Plaisanteries, deux pièces comiques de Tchekhov, c’était il y a un an. «Depuis, presque rien….» Les répétitions avaient repris après l’été dans l’espoir de participer au festival de Saint-Maximin, mais le reconfinement a tout arrêté. Il espère quand même être présent à Saint-Maximin en novembre, avec le spectacle Tchekhov.
La production suivante changera de ton : Le silence de la mer de Vercors, grave échange pendant l’Occupation entre l’officier allemand qui parle de paix, de fraternité, et ses hôtes français qui répondent – et font de la résistance – par le mutisme. «Un beau travail de jeu et de mise en scène à faire.»
Jacques Delorme de L’art et la Manière parle de l’avenir.
*Carpe Diem, de La Ferté-Milon, reste «en attente de jours meilleurs» dit Guillaume Henaff qui dirige la troupe. Est-Ouest, adaptation «maison» du Rideau Déchiré de Hitchcock, n’a été joué que trois fois avant le confinement, la dernière représentation ayant lieu le 6 mars 2020, au festival organisé à Nogentel par la compagnie Pourquoi Pas ?. Il est abandonnée. La comédienne qui y tenait le rôle principal est partie, et l’incertitude quant à une reprise éventuelle est trop grande pour demander un tel investissement à une remplaçante. C’est Théâtre sans Animaux, pièce à sketches de Jean-Michel Ribes, qui prendra la suite, le temps venu.
Le confinement a généré l’écriture, dans le groupe, de textes d’humeur sous le titre Le canard confiné n°1 (le n°2 attend…) : des comédiens devenus écrivains !
* Petit théâtre de Montgobert : pour Pascal Ponsart-Ponsart, metteur en scène de la compagnie, le niveau d’activité n’a jamais été plus bas. La participation au festival Résonances d’avril, où la compagnie devait jouer La Conversation sur Jean Racine de Paul Claudel, est annulée.
En attendant, Pascal Ponsart-Ponsart écrit, en vue de la Nuit des Musées, un dialogue imaginé entre Racine et Jean de la Fontaine, dont le cinquième centenaire de sa naissance est célébrée cette année. Les propos contenus dans le texte sont étayés par de longues recherches, que l’auteur raconte avec entrain, enthousiasme et humour.
Le seul espoir pour «LPTM» est de reprendre les répétitions suspendues de Mangeuses de chocolat par Philippe Blasband : participantes dans une thérapie de groupe, trois accrochées aux douceurs ruent dans les brancards thérapeutiques, en refusant l’idée d’une cause profonde et enfouie de leur addiction. La thérapeute, sous la pression, piétine la déontologie qu’elle est tenue de respecter. Pascal Ponsart-Ponsart mettra la pièce en scène. «C’est amusant mais pas idiot, c’est notre critère.» Il conclut en déclarant, sur un ton théâtral, «Nous y fondons notre avenir !»
* L’art et la manière : Building, de Léonore Confino, mis en scène par Jacques Delorme, avait pris son envol en 2020, puis soudain… confinement. Depuis, il y a eu des départs, nécessitant une redistribution des rôles, qui n’a pas encore été intégrée pour la reprise de ce spectacle astreignant. Jacques veut créer Sept péchés capitaux en 2022, fait de textes écrits par sept auteurs différents, mais plus simple à mettre en scène.
La compagnie vient pourtant de prendre la décision lourd de ne pas relancer Building, qui avait pourtant eu du succès avec les quelques représentations de 2020. L’intention est de se passer d’une scénographie complexe, comme celle de cette pièce-là, et adopter l’approche du «plateau nu». L’accent sera mis sur la capacité des acteurs à jouer. Les membres de la compagne sont lancés dans une recherche de textes qui mettront leurs capacités… en jeu.
* Compagnons d’Arlequin : David Leclert, président, reconnaît que ce groupe, attaché au Centre culturel de Crouy, est en difficulté, avec des doutes quant à l’animation après une reprise. L’intention est d’agir «en fonction de la situation». La compagnie projette d’écrire collectivement le spectacle de la relance.
* Les quatre vents : L’atelier de théâtre du Foyer culturel de Braine s’ajoute ici à l’enquête sur la situation. Daniel Noël, du Conseil d’administration, a présente l’activité, bloquée à présent. Pour l’avenir, l’animateur de théâtre Fernand Mendez a proposé à l’atelier de monter… L’Atelier de Jean-Claude Grumberg. La pièce concerne une unité de confection à Paris entre 1945 et 1952, où travaillent quatre Juifs, qui font face à la difficulté de revivre après un cataclysme. «Aller jusqu’au bout» : Daniel Noël dit la détermination de poursuivre le travail.
La question est de savoir si le théâtre amateur gardera la force de relancer son activité. Jouer requiert une grande disponibilité de la part de comédiens qui le plus souvent ont d’autres occupations. Si les troupes amateurs survivent au vide actuel, ce sera par l’intensité du plaisir qu’elles auront à monter sur scène, jouer, accepter le regard du public.
Dans une communication adressée aux membres, Jacques Delorme exprime l’essentiel du drame qu’affrontent, chacune à sa manière, les compagnies amateurs : «La compagnie est en péril, notre projet aussi, faute de ne pas avoir été alimenté par notre travail, notre envie de partager le théâtre, et le fait d’être ensemble, simplement, depuis ces longs mois d’isolement.»
Les commentaires seront les bienvenus : denis.mahaffey@levase.fr
[20/03/21. Modifié pour corriger des erreurs de composition.]