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Le Vase des Arts

Gautier de Coinci : un poète à Saint-Médard

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L'art du trouvère

[Grandes Chroniques, BNF, Ms Fr. 2813, folio 394]

C’est une universitaire américaine qui aura fait connaître, au-delà du milieu des médiévistes, et notamment aux Soissonnais, l’existence d’un poète célèbre du début du 13e siècle. Depuis qu’elle a travaillé au service archéologue à Saint-Jean-des-Vignes dans les années 80, Karen Foster partage son temps entre la Nouvelle Angleterre et le village de Tartiers, et elle vient de publier un livre, petit en taille mais grand en résonance historique, Poèmes miraculeux, chants sublimes, qui fait honneur à Gautier de Coinci, prieur de l’abbaye Saint-Médard.

Gautier est né dans une famille modeste à Coincy, près de Fère-en-Tardenois, mais a réussi par ses talents à faire une belle carrière dans l’Eglise.

Karen Polinger Foster signe ici son après sa conférence au service du Patrimoine à l’abbaye Saint-Jean-des-Vignes. L’universitaire américaine invite à partager l’extraordinaire créativité d’un personnage trop peu connu. Spécialiste dans l’art et l’archéologie du Proche-Orient et de la Crète ancienne, elle a publié de nombreux livres et articles érudits. Depuis les années 80, quand elle a participé aux fouilles de Saint-Jean-des-Vignes, elle partage son temps entre le Soissonnais et la Nouvelle Angleterre. Cette expérience l’a menée à écrire Tartiers : portrait d’un village soissonnais et Au secours des enfants du Soissonnais : lettres américaines de Mary Breckinridge 1919-1921 avec Monique Judas.

Moine bénédictin, mais trouvère aussi, il a en même temps consacré dix ans à l’écriture d’un texte majeur de la littérature médiévale, les Miracles de Nostre-Dame. Bien avant l’ordonnance de Villers-Cotterêts au 16e siècle imposant la primauté de la langue française au royaume, Gautier a choisi d’écrire ses vers en « romans », c’est-à-dire vieux français, et non pas « la Lettre », le latin. Dans la tradition des trouvères, il cherchait, non pas des lecteurs savants, mais une écoute populaire.

Le titre pourrait faire penser à une œuvre purement hagiographique avec peu d’intérêt en dehors des milieux religieux. Mais Gautier remplit ses vers de calembours, néologismes, nuances et rimes complexes. Il joue avec les mots.

En douze brefs chapitres le livre raconte l’histoire de Gautier et de son temps, avec une évocation éclatante de « l’âge d’or » de Soissons, transformée, écrit Karen Foster, « en un trésor lumineux d’architecture ». Le texte est illustré par des miniatures traquées dans des archives par l’auteure, qui les a simplifiées et colorées (au feutre !). Le résultat est éclatant, donnant à son livre, de format carré, l’attrait d’un album pour enfants. Mais il contient tout l’appareil bibliographique et iconographique requis pour une œuvre d’universitaire, et l’écriture ne fait pas de concession.

[Codex Manessa, Heidelberg Cod.Pal.Germ. 848, folio 13 recto]

Il inclut des fragments de la poésie de Gautier avec une traduction en français moderne. Mais, au regret de Karen Foster, cette œuvre majeure n’a jamais été traduite dans son intégralité, restant ainsi réservée largement aux spécialistes. Son livre éveillera-t-il une envie parmi les linguistes ? Ce petit livre devrait leur assurer un lectorat déjà conséquent parmi les Soissonnais.


Poèmes miraculeux, chants sublimes (Editions de l’Echelle du Temple, mars 2023) est disponible dans les librairies de Soissons et dans la boutique en ligne (editions-de-l-echelle-du-temple.over-blog.com/). Prix public 10€.

[Une version abrégée de cet article paraît dans le Vase Communicant n°353.]

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