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Le Vase des Arts

Concerto pour trois orchestres

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L'art de jouer ensemble

La saison musicale à la Cité de la Musique de Soissons a été dense au tournant mars-avril. Voici trois concerts qui ont attiré les mélomanes.

Premier mouvement : Orchestre de l’ESMD

L’Ecole Supérieure de Musique et de Danse de Lille/Roubaix a créé un orchestre dans le but de sortir ses étudiants de l’isolement des cours particuliers et les mettre en situation de musiciens d’orchestre professionnels. (*)

Cette année le programme a été confié au chef d’orchestre Arie van Beek, né à Rotterdam aux Pays-Bas et bien connu à Soissons en tant que directeur de l’Orchestre de Picardie.

Il a commenté les œuvres avec son aisance habituelle, son accent, et ses trous occasionnels (vite remplis par la salle), sur un ton aimable qui a dû détendre les jeunes musiciens à leurs pupitres.

Le programme a commencé par un Divertimento de Mozart à l’âge de 17 ans, et que les jeunes musiciens ont pu aborder pour prendre leurs marques. Ensuite, Arie van Beek les a guidés (ou accompagnés) le long de L’après-midi d’un faune de Debussy, adapté dans le groupe réuni par Schönberg pour étudier les « musiques nouvelles ». Détail pittoresque : l’harmonium de l’arrangement était remplacé par un accordéon pour ce concert.

L’orchestre s’est galvanisé pour relever le défi de la Kammermusik explosive de Hindemith, qui mêle du jazz, du ragtime, même de la musique militaire, dans tous les tempi et états d’esprit.

Enfin, les musiciens se sont accaparé de la suite de l’Opéra de Quat’sous de Kurt Weill. Ils ont transmis avec gouaille le mélange d’insistance, de sarcasme, de raillerie – où l’accordéoniste s’est retrouvé bien à l’aise. Est-ce seulement le recul historique qui laisse détecter aussi quelque chose de désespéré dans l’emphase ?

Arie van Beek a appelé sur scène tous les musiciens qui avaient joué les œuvres et a proposé une petite cantate improvisée sur du Weill –« Après tout, pourquoi pas une cantate ? Bach en a toujours mis. »

 

2e mouvement : Orchestre philharmonique de Radio France

Cet orchestre, sa réputation déjà faite par ses précédents passages à la Cité, a fait salle comble pour un concert sous la direction du jeune chef russe Maxim Emelyanychev, dont l’énergie physique phénoménale a galvanisé la soirée.

Il s’est même dédoublé pour la première œuvre, le Concerto pour piano n°20 de Mozart, en dirigeant et en soliste. Chaque fois que la partition le permettait, il levait la main gauche pour diriger. (Le piano était un Bechstein historique d’une riche couleur châtain, qu’il avait trouvé en Belgique et qui était loué à sa demande.)

Le long passage orchestral du début est mi-menaçant (comme à l’entrée du Commandeur dans Don Giovanni) mi-cajoleur, créant une ambiance inquiétante que rompt enfin le piano, serein, mélodieux. Cette alternance marque tout le mouvement, suivi de la Romance, avec son thème en éternel recommencement. Le Rondo final laisse dans le doute quant au sens ultime, positif ou négatif.

Maxim Emelyanychev

Après l’entracte le jeune chef, dégagé de son piano, a injecté sa propre énergie dans la Symphonie Eroica de Beethoven.

L’œuvre est archi-familière, mais chaque audition en direct est révélatrice : la présence de l’orchestre éclaire la structure instrumentale – confirmant qu’un concert est autant un spectacle.

Maxim Emelyanychev, dégagé de son piano, s’est animé, déployant son corps, des cheveux aux doigts de pied, pour transmettre son interprétation. Si l’orchestré s’était arrêté, pouvait-on se demander, la musique aurait-elle continué à remplir l’auditorium à travers le chef ?

 

2e mouvement : Scènes Partagées

Eleanora Spina & Michele BenignettiScènes partagées est une initiative de l’Adama, qui chaque année met les professeurs de Conservatoire en situation de musiciens chambristes professionnels sous la direction d’un musicien à renom international. Partagées ? Le récital annuel qui résulte de leur travail ensemble est donné à Laon et à Soissons. Cette année le violoniste Pierre Fouchenneret a mené l’atelier et joué lui-même.

Une sonate, un sextuor et un quintette de Brahms : ce qui enrichit ce programme en trois parties a été de faire jouer par les pianistes Eleonora Spina et Michele Benignetti une version antérieure du Quintette en fa mineur op.34, qui allait couronner une soirée dédiée à la musique Romantique. Entre les deux, le Sextuor à cordes op.18 faisait une respiration, sans piano.

Les pianistes ont fait preuve d’une une coordination miraculeuse, lui sur un piano Bechstein loué pour l’occasion, elle sur le Steinway qui appartient désormais à la Cité. La Sonate donne une version en noir et blanc, d’une grande clarté structurelle, d’une œuvre que l’instrumentation plus complexe du Quintette fait briller de couleurs.

Comme Ari van Beek, Pierre Foucherenneret a appelé tous les stagiaires sur le plateau à la fin pour recevoir les applaudissements, signe de la nature collective de son stage.

Un commentaire ? denis.mahaffey@levase.fr

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