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L’Orient-Express: un voyage de rêve

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L'art du théâtre pour jeunes

Agir (Omar Mounir Alaoui) et Alix (Léa Tuil)

Deux flèches virtuelles traversent l’Europe, l’une du sud-est au nord-ouest, la seconde dans le sens opposé. Les migrants viennent le long de la première chercher refuge ou une meilleure vie ; les touristes suivent la seconde pour goûter à l’exotisme. Le piège de la supposée richesse fabuleuse pour les uns, l’attrait de l’orientalisme pour les autres.

Mon Orient Express, la nouvelle production de la compagnie Esprit de la Forge, mise en scène par Agnès Renaud et jouée au théâtre du Mail devant un public scolaire, personnalise ce double mouvement sous les traits d’Agir, qui veut rejoindre l’Angleterre, la dernière étape et la plus périlleuse, et d’Alix, bénévole d’une association d’aide aux réfugiés. Ils se rencontrent à la gare de Calais, au départ du train de luxe l’Orient-Express et, poursuivis par la police, sautent dans le train, destination Istanbul.

Ils y touchent pour quelques jours à une vie opulente irréelle, pris sous l’aile d’un barman/portier qui agit en ange gardien jovial et fantasque. Ils se prélassent dans le wagon-bar orné, en fumant des cigarettes sans doute de tabac égyptien.

Alex (Léa Tuil) et Agir (Omar Mounir Alaoui) mènent momentanément la belle vie, sous les yeux du barman (Olivier Brabant).

C’est ce qui s’appelle un voyage de rêve, sauf qu’Agir et Alix vivent sous la menace de découverte, d’expulsion et peut-être pire s’ils sont démasqués. C’est autant un rêve dans l’autre sens : tout réalisme théâtral est subordonné à la volonté d’impliquer les spectateurs dans le dilemme des migrants qui quittent leur patrie et mettent en péril leur sécurité. Le texte et la mise en scène sont pénétrés d’une ambiance onirique. Le wagon de train est un squelette de tubes métalliques : comme dans un rêve, n’est explicite que ce qui est le centre d’attention.

Les personnages évoluent parfois derrière un rideau de gaze, éclairés de derrière, changeant donc de taille selon la distance entre la personne et le rideau. L’astuce permet un autre rapport des corps.

C’est le contraire voulu de la représentation d’un parfait intérieur de wagon, ouvert vers la salle, avec peut-être des rétroprojections des paysages traversés, des grandes gares l’une après l’autre. Les priorités pour Mon Orient-Express sont différentes.

L’auteur est Luc Tartare, dramaturge dont le sujet de prédilection est les jeunes engagés sur le grand chemin vers l’âge adulte, mais les pieds encore pris dans l’adolescence, face à l’avenir souriant ou redoutable.

La pièce lui a été commandée par L’esprit de la forge, et réalisée par un long processus d’écriture collaborative avec neuf établissements scolaires des Hauts-de-France, d’Athènes et de Bucarest. L’auteur a eu recours aux « résidences numériques », par lesquelles les participants ont échangé sur une plateforme numérique. Luc Tartare a tenu compte en écrivant des idées, des valeurs, des opinions exprimées.

Fatima Aïbout intervient pour chanter.

A la fin, Agir est blessé et, malgré les efforts d’Alex et l’aide de leur ange gardien, il meurt. Alix, objet de recherches poussées, devra rentrer chez ses parents. Le rêve fou du jeune couple a été de vivre autrement, joyeusement, librement, en traversant l’Europe Centrale sans penser au lendemain, en mettant au défi ses frontières qui filtrent, laissent passer ou, pour les migrants, arrêtent.

Au milieu du spectacle une image, une chanson ressuscitent le contexte historique du train, faisant flotter sur scène l’Europe d’avant-guerre, d’entre deux guerres, d’après-guerre. Une femme (*) entre seule, prend position au fond de la scène, la tête détournée du public, et chante « Lili Marleen »

Vor der Kaserne vor dem grossen Tor
Stand eine Laterne, und steht sie noch davor

Le poids de ce passé-là pèse sur Agir et Alix, à la recherche d’un présent qui les libérera. C’est encore un rêve.

(*) La comédienne et chanteuse Fatima Aïbout, qui avait déjà joué dans cette salle en 2009, dans Au-delà du voile, mise en scène par Agnès Renaud.

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