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Daniel Amadou : la clarinette et l’ardoise

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L'art d'un sculpteur-clarinettiste

Daniel Amadou chez lui

A onze ans, Daniel Amadou aimait tant Sidney Béchet qu’il a décidé d’apprendre la clarinette. Devenu adulte et clarinettiste professionnel, il s’amusait un jour à réparer des suspensions chinoises quand il a pensé «Je pourrais en faire moi-même.» Désormais il avait une seconde carrière, celle de sculpteur, et depuis plus de 10 ans il mène les deux en parallèle.

Portrait de Camille Claudel

Il avait commencé par jouer du pur jazz moderne, pour un public minoritaire dans les locaux spécialisés. Mais le mariage et la paternité l’ont obligé à élargir son champ d’action.  Il est passé au jazz de la Nouvelle Orléans, et a accepté d’ajouter aux concerts l’animation de fêtes et mariages. «Mais j’ai appris à aimer cela» il insiste. A être témoin de la jovialité de Daniel en se racontant, il est facile d’imaginer qu’elle a y trouvé un cadre favorable.

Parisien, il avait acheté une maison de campagne à Cuisy-en-Almont. Derrière se trouvait  une des nombreuses creuttes du pays (grotte en picard), anciennes demeures troglodytes devenues abris sûrs pour le bétail. Devenu sculpteur il en a fait son atelier et y a installé ses oeuvres, venues du fond de l’imagination et exposées au fond de la terre. Elles sont faites d’objets de récupération, ustensiles et surtout de vieilles ardoises, qu’il taille, perce, peint, attache avec des fils, suspend, accroche ou pose. Des constructions, des visages, souvent sombres ou grotesques, des oiseaux, des portraits, comme ceux de Camille et Paul Claudel. L’humour jusqu’au ricanement, et une tendresse qui n’adoucit pas le sujet, leur donnent de l’humanité. Pour la facture de ces exemples d’art brut Daniel est clair. «Parfois ça marche. » Si ça ne marche pas ? «Je les casse !»  Quand ça marche ? «Je me dis que c’est… bien venu.» Cet art vient de loin et est le bienvenu.

A ses débuts il parlait des «fulgurances» qui l’inspiraient. A présent il admet réfléchir davantage : «La spontanéité est limitée par l’expérience.» Il reconnaît cependant l’importance de laisser jaillir l’inspiration. Ayant déménagé dans une demeure plus grande, mieux aménagée de la vallée de la Crise, avec des creuttes encore plus vastes derrière une grande arche romane, il reconnaît qu’il a plus de mal à se mettre au travail dans son atelier spacieux et bien outillé.

Six clarinettes et deux saxophones attendent d’être joués.

En parallèle, Daniel est musicien. Il parle de ce métier dans son studio, où ses clarinettes, de la soprano à la basse, sont alignées par terre, debout, en attente. Il a deux ordinateurs dont l’un, sans Internet, est réservé à la musique.

Là, l’approche est différente. «Je suis obsessionnel. Je me lève tous les matins à 7 heures, m’y mets à 9 heures et joue pendant deux heures.» Qu’il ait envie ou non. Daniel émerge d’une maladie qui a empêché toute pratique pendant des mois.  «En reprenant je n’avais plus de bouche, plus de doigts.» Peu à peu il retrouve ses moyens, en attendant que des concerts vivants reprennent.

Daniel Amadou et Mary au travail dans le studio

Il est aussi compositeur et parolier. A présent il travaille sur l’album Williwaw avec le chanteur Mary (Jean-Philippe Mary), en ajoutant des improvisations à la clarinette. «Il m’envoie un brouillon sonore, je l’écoute, je prends ma clarinette et j’essaie, jusqu’à trouver.» La première improvisation est ensuite travaillée, fixée, et des échanges de fichiers avec le chanteur permettent de l’ajuster aux exigences de place et de position dans la partition. Sa participation donne au résultat final des envolées, derrière la voix et l’accompagnement, que ne peut produire qu’un instrument à vent. Dans le contexte du Covid qui empêche tous les musiciens de jouer en public, cette possibilité de travailler sur des enregistrements et avec un autre musicien est rassurante.

Il serait trop schématique de voir Daniel Amadou se partager entre la précision musicale et la latitude de l’art. Partout il cherche l’authenticité mais en évitant l’académisme. «Quand c’est trop léché, je mets une petite crotte autour.» Dans le jazz, comme dans l’art brut, il faut ajouter du désordre à l’ordre.

 [Une version abrégée de cet article paraît dans Le Vase Communicant n°306.]

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