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Musique

Esquif : Et si l’on…

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L'art du jazz en équilibre

Imaginez l’énorme remue-méninge, ponctué de rires jubilatoires ou hystériques, qui a dû mener à la création par trois compagnies, le Surnatural Orchestra, le Cirque Inextrémiste et Basinga, du spectacle « Esquif », venu au Mail.

« Et si l’on… »

En prenant comment une constante la musique « big band » d’une quinzaine de ventistes (allant de la flûte au soubassophone éléphantesque) avec un batteur et un percussionniste, et en y ajoutant deux acrobates et une funambuliste, combien de pistes et d’idées ont dû émerger en commençant par cette formule ?

– Si l’on utilisait des planches…

– … et des bonbonnes de gaz.

– Des bonbonnes ?

– Pourquoi pas ? On fait entrer en scène lentement chaque musicien, sans beaucoup de lumière, puis le public s’aperçoit qu’il a les pieds sur une bonbonne vide, qu’il fait rouler, tout en jouant.

– Et si l’on créait une grande balançoire avec les planches et les bonbonnes ?

– Une balançoire quadrilatérale !

– Comment ça ?

Yann Ecauvre et Rémy Bezacier sur la balançoire en hauteur.

Yann Ecauvre et Rémy Bezacier sur la balançoire en hauteur.

– On assemble les planches en carré, posées sur des bonbonnes, nous on monte dessus, et on donne à l’ensemble des mouvements de balancement.

– Et si l’on posait une grande planche  contre une bonbonne debout, nous on commence à monter dessus, l’un après l’autre, jusqu’à ce que la planche bascule et que nous on soit tous en équilibre, tout en jouant.

– Et puis si l’on faisait entrer Yann (Ecauvre, acrobate, qui fait le désemparé permanent) avec une grande souffleuse à hélices et à bretelle, et il dirige le vent vers nous jouant sur la planche, qui commence… à… tourner !

– Puis il s’arrête, met ses skis, remet la souffleuse et quitte le plateau en skiant.

– Et si l’on faisait courir tout le monde dans les allées de la salle ? Certains avanceraient en montant sur les dossiers des fauteuils.

– Puis ils partiraient par une sortie…

– … sauf Yann, laissé seul sur scène, interrogatif. « Je fais quoi là, moi »

– Et si tout le monde revenait en débarquant de l’ascenseur de décor, totalement inconnu des spectateurs.

« Esquif » est une série ininterrompue de telles trouvailles époustouflantes. Serait-ce le grand n’importe quoi ? Absolument pas. Sous la surface foutraque, c’est millimétré (il le faut, car l’équilibre est toujours périlleux). Les individus se démènent, mais les mouvements d’ensemble ne faillent jamais.

L’exploit le plus remarquable est peut-être la belle musique que produisent ces musiciens dans des postures les plus inconfortables. Le jazz n’illustre pas l’action, c’est l’action qui illustre le jazz.

La joie que procure un tel spectacle est celle qui sourd au théâtre quand l’inattendu devient la règle et la fantaisie se libère des contraintes habituelles, tout en s’appuyant sur des talents musicaux et physiques déployés avec rigueur.

denis.mahaffey@levase.fr

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