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Musique

La loufoquerie millimétrée

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L'art de la comédie musicale

Sur le papier, le spectacle des « Franglaises » ne pouvait qu’être un four retentissant. Traduire des chansons anglophones en français littéral, « Purple rain » devenant donc « Pluie pourpre », et « He gives me fever » devenant « Il me donne de la fièvre ». Bon. Et encore ? C’est tout ?

Mais la maigreur extrême du propos cache une comédie musicale dont le sujet réel est justement l’effort mal dirigé, voire chaotique d’une troupe pour faire marcher un spectacle dont le thème manque si singulièrement d’intérêt. Et là, c’est une réussite à laquelle le public du Mail a fait un triomphe.

La dizaine de comédiens-chanteurs-instrumentistes s’adonnent au désordre, à l’indiscipline jusqu’à la dissipation, aux querelles entre eux, à la rébellion même : il faut entendre les filles qui veulent à tout prix changer le programme pour chanter du « Filles épicées », au dépit du pauvre présentateur Jonathan (Yoni Dahan) greffé à sa « playlist ». Ah, le pauvre, dévoué, sérieux, il fait ce qu’il peut pour maintenir l’ordre, mais finit en pleurs, pauvre chien berger débordé par les caprices de son troupeau. Il quitte la scène pour s’en remettre, et l’anarchie prend le pouvoir : une chanteuse met tout sens dessus sens dessous en lançant « No, I don’t regret a thing ! » avec les intonations de la Môme.

Marsu Lacroix et Adrien Le Ray en faux duo d'amour.

Marsu Lacroix et Adrien Le Ray en faux duo d’amour.

La bouffonnerie va en croissant. Délicieusement, Claire (Marsu Lacroix) et Etienne (Adrien Le Ray) chantent un duo d’amour, en enfreignent la règle absolue qui interdit aux acteurs de révéler leurs vrais sentiments : ils ne peuvent pas se sentir, et ne le cachent pas. Le supposé transi d’amour finit par poursuivre l’objet de son amour autour du plateau.

D’autres conflits surgissent, des coups sont échangés. Le matériel est endommagé, produisant des nuages d’étincelles, des explosions, des flammes. La fumée obscurcit le plateau. (Cela ferait-il penser un instant aux événements de Bruxelles ? Tant pis, l’humour ne se taira pas devant l’horreur.)

La loufoquerie règne. Mais elle est millimétrée, même aux moments les plus paroxystiques.

Un beau spectacle par des artistes d’autant plus talentueux qu’ils arrivent à convaincre les spectateurs qu’ils font n’importe quoi.

« Les Franglaises » au théâtre du Mail (avant Bobino à Paris en septembre, avis aux amateurs).

denis.mahaffey@levase.fr

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