Le plateau de la CMD semblait déjà plein même avant le concert, rempli de pupitres du côté cour au côté jardin. Quelque chose de grandiose allait se passer.
Après avoir joué dimanche dernier à la Philharmonie de Paris, rien de moins, l’orchestre Passerelle de Soissons allait se produire à la Cité de la Musique. Cet ensemble fait suite au « dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale » (Démos), projet national auquel le conservatoire de Soissons à été associé en 2015. Le principe est d’introduire des enfants ayant peu de contact avec la musique classique à la pratique d’un instrument. Sous la direction de professeurs de musique et de travailleurs sociaux, ils sont formés pour une activité exigeante, difficile, valorisante, un peu comme un sport sauf qu’elle est fondée, non pas sur la compétition, mais sur une intime collaboration au sein d’un orchestre. L’excellence individuelle se confond avec l’excellence collective. Démos a été inspiré par l’expérience vénézuélienne « El sistema ».
A la suite de ce projet une quarantaine de nouveaux élèves se sont inscrits au Conservatoire de Soissons. Le dispositif « Passerelle » a été conçu pour prolonger « Démos » en appliquant une « pédagogie par l’orchestre ».
Avant l’orchestre au complet, plusieurs formations restreintes ont joué : les Petites cordes dirigées par leur professeur Myriam Szymkowiak, un Trio de contrebasses avec Hubert Deflandre, l’Ensemble de vents dirigé par Pascal Ravez, les Jeunes cordes dirigées par Nathalie Lecuyer. Chaque fois une partie du plaisir d’auditeur était d’être témoin d’un apprentissage de la musique. Pour les plus petits, tout jugement était suspendu, comme on regarde émerveillé un bébé qui marche, même s’il titube à chaque pas.
Enfin, les professeurs et d’autres élèves du Conservatoire ont occupé les pupitres vides, et cent dix musiciens sous la direction de Martin Barral (soliste récemment sur ce même plateau avec le Cercle musical) ont abordé avec entrain la partition ensorcelante composée par Nino Rota pour « Huit et demi ». Ils en ont fait un spectacle, se levant par vagues, brandissant leur instrument à bout de bras, une extravagance presque fellinienne. Dernier morceau, la suite de « Folk songs » de Ralph Vaughan Williams a conclu le concert d’un pas ferme et rythmé.
Un signe indubitable de la présence de beaucoup de familles dans la salle : les petits carrés de lumière qui clignotaient partout alors qu’elles filmaient leur(s) musicien(s).
Plus qu’une expérience purement esthétique, ce concert montre l’intimité entre chaque musicien, de tout âge, et son instrument, cet outil pour transformer le souffle ou le geste en musique.
denis.mahaffey@levase.fr