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Musique

Mahler à la CMD : musique de film avant l’heure

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L'art des Siècles

75 musiciens pour la symphonie Titan de Mahler

Dans les années soixante, quand la musique de Gustav Mahler commençait à sortir du ghetto des musiques étiquetées « ardues », le journaliste irlandais Donal O’Farrell a conclu « Au fond, c’est de la musique de film. » Cela pouvait paraître condescendant : c’était plutôt une façon de dire que Mahler éveille l’imagination et, sans évoquer des images précises, crée une ambiance narrative, pleine d’inattendus, de retournements, de séquences dramatiques, de passages tendres, enfin d’explosions sonores pour accompagner le dénouement d’un récit. Pourtant, ce n’est pas de la « musique à programme », qui raconte ou décrit un sujet extra-musical, littéraire ou autre. Mahler propose la partition ; aux autres, comme Visconti dans Mort à Venise, de fournir le scénario.

Quatre des sept contrebassistes se penchent sur Mahler.

L’orchestre Les Siècles et ses soixante-quinze musiciens ont joué la première symphonie de Mahler, la « Titan », à la CMD. L’orchestre a rétabli la partition originale voulue par le jeune compositeur et qui, devant la réception hostile des premiers auditeurs, avait été remaniée. Au lieu des quatre mouvements de la version habituelle, l’orchestre réintègre le second, Blumine (« Fleurettes »), une brève respiration entre le premier mouvement qui génère tant d’échos campagnards et le scherzo de ce qui devient le troisième.

La partie la plus mystérieuse, et en même temps la plus familière de Titan reste le mouvement suivant, alternant entre une marche funèbre sur la mélodie populaire « Frère Jacques » (en commençant par un solo pour violoncelle que Mahler à écrit comme un enfant le jouerait, avec maladresse) et une sautillante danse nuptiale juive, chaque élément jetant sa lumière sur l’autre. C’est la partie de la symphonie qui fait penser le plus à un récit comme lorsque, au milieu de l’échange entre tristesse et gaité, quelques mesures imposent une ambiance menaçante, comme quand dans un film le héros s’aventure dans un couloir noir.

Le dernier mouvement, un grand final qui reprend certains éléments du premier, pour donner une unité à l’ensemble, représente un défi pour les instrumentistes, par son ampleur, sa force, et même le volume demandé. (Deux ventistes assis devant les cuivres se sont mis, par précaution, des boules Quiès dans les oreilles.)

Mahler ménage une fin qui laisse pantois. La symphonie s’engage dans une longue fanfare qui se termine par un dernier accord d’une soudaineté brutale. Le public de la CMD a réagi, non pas par le moment de silence qui suit souvent la fin d’un concert, mais avec une explosion de cris et d’applaudissements. Les musiciens sur le plateau ont laissé voir leur plaisir à avoir relevé le défi de cette œuvre qui, avec ses cinq mouvements, dure plus d’une heure. Ils ont ri, se sont retournés, se sont embrassés, en une conclusion réjouissante à la soirée.

François-Xavier Roth, le chef d’orchestre, à pris la parole, comme c’est son habitude, toujours avec à-propos et humour. Il a rappelé que seule l’existence de la nouvelle salle de concert de la CMD permet à un orchestre de jouer correctement de telles œuvres, écrites pour de tels espaces, non pas pour un théâtre ou une église. « C’est, je crois, la première fois qu’une symphonie de Mahler est jouée dans une salle de concert à Soissons, et il est à remarquer que c’est sa Première Symphonie. » Il avait raison : l’Orchestre Français des Jeunes sous Jean-Claude Casadesus a bien joué cette même symphonie en 2007, aussi avec beaucoup d’élan, mais à la cathédrale de Soissons.

F-X Roth a terminé par un éloge de Jean-Michel Verneiges, qui, en tant que directeur de l’Association pour le Développement des Activités Musicales dans l’Aisne (ADAMA), est souvent derrière de telles réalisations. « Jean-Michel, on peut dire, est un peu notre Mahler à nous. »

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