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Musique

Mary : un album en chantier

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L'art de la chanson

OLYMPUS DIGITAL CAMERADans ses chansons, Mary aborde constamment un dilemme universel : comment se concilier avec soi-même ?

« Mary » est Jean-Philippe Mary, qui a choisi ce nom en musique pour sa simplicité, mais aussi pour son ambivalence. Il met ainsi en question l’étiquette que chacun de nous porte pour définir son état civil, en présupposant son genre et tout ce qui s’y attache, comportement, intérêts, désirs. Mary veut se libérer pour dire l’essentiel, à un niveau profond de la sensibilité, là où les conflits, espoirs, joies et barrières internes agissent.

Ses chansons ne sont pas tristes, mais elles parlent de la tristesse née de l’écart entre ce qu’on est et ce qu’on veut être, entre le chemin du quotidien et celui des aspirations. Dans « Ma bonne étoile » il parle de « la sensation de prendre le mauvais train ».

« Je fuyais les miroirs » : encore pire que de se tromper est de se voir le faire. Et pourtant, dit-il dans chanson après chanson, seule la rencontre entre lui et son reflet peut résoudre le dilemme. « Mon pire ennemi » écrit-il « c’est moi-même. » La paix est à faire entre les deux. Sa musique raconte cette quête.

« Etre là », le titre de son premier album sorti en 2015, indique la solution, d’une simplicité qui cache sa complexité : se retrouver dans le moment, sans la souffrance qui reste du passé ni la peur de l’avenir qui se cache. Etre là.

Son regard sur la condition humaine n’est jamais pesant. L’ironie flotte dans l’air. La musique qui accompagne les paroles prend les rythmes reggae, pop, rock, folk. Il ne s’agit pas de les contredire, mais de prendre le contrepied.

« Etre là » était conçu pour sa « loop station », qui lui permettait, en solo, d’ajouter couche sur couche instrumentale, et couronner cet accompagnement avec la voix.

Depuis, il a rencontré un groupe. « Au milieu d’un repas amical avec le guitariste Olivier Legrand, le bassiste Arnaud Leroy et le batteur Hubert Calcif, ils m’ont soudain proposé de travailler avec moi sur mes chansons. » Le monde solitaire d’un auteur-compositeur-interprète allait s’ouvrir.

Comment écrit-il ? « Une idée, une envie d’écrire me prend, puis je tente un accompagnement. Je travaille tard, le lendemain je vérifie si ça va. Je me sens bien, j’aime avoir une chanson en chantier. » La créativité lui sied.

A présent il prépare deux nouveaux albums, « Ombres ou lumières » avec de nouvelles chansons, et « Parler aux arbres », album acoustique reprenant autrement des numéros des deux autres, dans un registre simple et chaleureux.

Pourquoi « Ombres ou lumières » ? « Parce que la vie est tout à la fois soleil et nuit, colère et tendresse, chaleur et frissons, solitudes et complicités. En permanence, je vais et viens entre ombres et lumières. Mon équilibre est là. Ma musique est là. »

Mary a lancé une souscription en ligne sur KissKissBankBank pour financer une partie de ce double projet, dont l’achat de matériel pour pouvoir enregistrer en toute tranquillité, sans avoir recours aux heures tarifées d’un studio.

Le site de Mary : http://www.marymusic.fr/

denis.mahaffey@levase.fr

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Boieldieu et Mozart : les deux parties d’un concert

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L'art de la harpe et de la flûte

Il n’est jamais facile de faire la première partie d’un concert, rock, chanson ou baroque, peu importe, quand une superstar est programmée après l’entracte. Celui qui le précède aura beau avoir du talent, être un honnête créateur, posséder son propre charisme, le public attendra la tête d’affiche pour être époustouflé et ému.

Réuni chaque année pour un concert à la Cité de la Musique à Soissons, l’Ensemble Orchestral de la Cité comprend des professeurs de Conservatoire et d’Ecoles de Musique départementales jouant aux côtés de musiciens de l’orchestre Les Siècles, cette fois sous la direction du chef anglais Harry Ogg. Rappelons que cette disposition reflète l’intention du Département de nourrir des échanges transversaux dans la vie musicale publique.

Au programme, quatre œuvres par deux compositeurs, une ouverture et un concerto de chacun.

D’abord, l’ouverture du Calife de Baghdad et le Concerto pour harpe et orchestre de François-Adrien Boieldieu, un compositeur que le public de la CMD aura eu peu d’occasions d’entendre. Sa musique est irréprochable, tout en étant plus révélatrice des styles, structures et caractéristiques musicaux de son époque que d’une capacité créatrice unique.

Le concerto offre cependant un plaisir particulier, intense et inhabituel, en faisant de la harpe l’instrument soliste, au lieu de la reléguer à son rôle souvent décoratif, réduit à de brefs passages pour ajouter ses tintements en cascade à ce qui se joue ailleurs. La harpiste Valeria Kafelnikov se charge de ce rôle de vedette de son instrument, de passages complexes en cadences éblouissantes. C’est un exploit, de dominer à tout un orchestre avec un instrument connu surtout pour sa délicatesse discrète.

Après l’entracte, l’Ensemble passe à Mozart, avec l’ouverture de l’Enlèvement au sérail et le Concerto pour harpe et flûte, et la différence entre l’artisan et l’artiste, entre l’application et l’envol, apparaît. Mozart est de vingt ans l’aîné de Boieldieu, mais a des airs de jeune rebelle à ses côtés.

Il ne bouscule pas les usages du Classique, il les détourne à sa convenance. Jamais une tournure n’évolue comme l’oreille l’attend, Il se lance dans une mélodie comme une comptine d’enfant, mais l’élabore, la complexifie, crée la surprise en partant sur une voie inattendue. Inattendue ? Une spécialité de Mozart est d’introduire une tournure surprenante mais dont les notes sonnent aussitôt comme inévitables.

Après l’ouverture, pleine d’entrain et de trouvailles, Valeria Kafelnikov est rejointe devant l’orchestre par Gionata Sgambaro, qui se trouve être – à la surprise de ceux qui ne connaissaient pas sa carrière de soliste – un des flûtistes des Siècles.

Le Concerto est très connu mais, comme toujours, l’entendre en direct et en regardant les instrumentistes aiguise l’écoute, révèle l’orchestration par la simple vue des musiciens prenant et déposant leurs instruments. Le mouvement lent, avec sa conversation entre harpe et flûte, n’est jamais moins que sublime, et offre le spectacle fascinant des deux solistes réagissant l’un à l’autre, se retrouvant, se séparant, se fondant.

 

Les solistes partis au milieu des applaudissements, le jeune chef Harry Ogg propose, en bis, la simple reprise de l’ouverture de l’Enlèvement au sérail. L’Ensemble Orchestral de la Cité a pu montrer son homogénéité et c’est, après tout, l’objectif recherché.

Un commentaire ? : denis.mahaffey@levase.com

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Du bon temps au Bon Coin

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L'art du jazz

L’un prend la clarinette, l’autre lève les mains au-dessus du clavier de piano. « All of me , vieux standard de Gerard Marks and Seymour Simon qui ouvre le récital, est une chanson d’amour plutôt lugubre, appelant le/la bien-aimé/e à achever le processus de possession amoureuse. Daniel Amadou à la clarinette (*) et Ludovic Signolet au piano en font un éloge joyeux et espiègle de la vie. Ils jouent dans la petite salle de restaurant, en forme de croissant autour du bar-comptoir, du café associatif Au Bon Coin à Soissons. C’est la deuxième fois qu’ils s’y produisent.

Daniel Amadou

Ecouter la première chanson telle qu’ils l’interprètent, c’est faire une balade dans un bosquet familier, accompagné par un jeune garçon. Le sentier suit son chemin, mais le gamin gambade de chaque côté, en courant, en ralentissant, en accélérant, en s’arrêtant, en sautillant. Voilà qu’il grimpe sur un arbre, puis saute à pieds joints. Puis saisit une branche au dessus de la tête et s’y balance longuement. Son inventivité est sans limite.

Ludovic Signolet

Pour chaque numéro Daniel et Ludovic jouent ensemble, puis chacun fait un solo, puis ils reprennent ensemble. Il s’installe dans la salle une ambiance de bien-être. Le public tape du pied par terre ou des doigts sur la table. La musique est mélodieuse et badine.

Daniel chante aussi parfois, d’une voix un peu effacée, légère, intime, de petits interludes entre les exubérances de la clarinette.

Le programme est éclectique : jazz et folklore antillais, thèmes sud-américains et, à la demande d’une auditrice, Petite fleur de Sidney Béchet (c’est en écoutant cet artiste que Daniel a voulu devenir clarinettiste). Pour finir, une version dansante de I’m beginning to see the light. Pour tout terminer, en bis, le non moins bondissant Hello ! Dolly.

Ensuite, et c’est un atout du Bon Coin, la musique cède la place à la gastronomie : les chaises sont remises en place autour de la dizaine de tables, et le dîner est servi. Aux musiciens aussi.

Pour commenter : denis.mahaffey@levase.fr


(*) Daniel Amadou est également sculpteur. Voir La clarinette et l’ardoise.

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Un concert en trois mouvements

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L'art du duo violon/piano

Renaud Capuçon avec Guillaume Bellon

Depuis trois ans le grand auditorium de la Cité de la Musique était parsemé de fauteuils vides. Le « concert Capuçon » les a remplis, au point de faire attendre dehors les imprévoyants, dont seuls quelques-uns ont pu se glisser au dernier moment dans les quelques places réservées mais pas prises.

Le violoniste Renaud Capuçon a été rejoint par Guillaume Bellom au piano pour un récital de sonates de Richard Strauss, Debussy et Prokopiev.

Un concert peut être structuré dans l’ordre chronologique des compositeurs. Pour ce concert, l’ordre reflète plutôt la progression stylistique historique. C’est par la sonate op.18 de Strauss que le programme commence. Cette œuvre, d’une difficulté technique redoutable – les spectateurs de la CMD pouvaient s’en rendre compte en regardant – est d’inspiration Romantique allemande, avec ses grandes envolées lyriques.

Debussy, né pourtant deux ans avant Strauss, illustre la fragmentation de ce style : à la place de la structure cohérente d’avant, sa Sonate n°3 est une mosaïque d’émotions et idées qui se bousculent, dans une modulation constante de ton, de tonalité, faisant entrer la musique dans un monde sonore impressionniste qu’il a été le premier à entendre et à traduire. Le Romantisme planant de Strauss est remplacé par l’incertitude, la douleur, la gravité – la sonate a été écrite en 1916, en pleine guerre mondiale. C’est la dernière grande composition de Debussy, mort deux ans plus tard.

La troisième sonate de la soirée, n° 2 op 94bis(*) de Prokofiev, dépasse – ou plutôt fracasse – les subtilités tonales de Debussy. Le compositeur veut surprendre, en cherchant l’inattendu, les discordances, les rythmes cassés. Il revendique cette attitude : « Le mérite principal de ma vie (ou, si vous préférez, son principal inconvénient) a toujours été la recherche de l’originalité de ma propre langue musicale. J’ai horreur de l’imitation et j’ai horreur des choses déjà connues. »

Renaud Capuçon et Guillaume Bellom ont suivi cette évolution à épisodes comme s’ils étaient totalement acquis à chaque étape, et en passant tout simplement de l’une à l’autre. Ils arrivent ensemble à révéler le contenu de chaque élément, le détail et la structure, les changements de ton, d’humeur. Tous les deux font plaisir à voir : comme des danseurs classiques, ils dissimulent l’effort nécessaire pour faire les mouvements des mains sur leur instrument, paraissant toujours sereins même aux passages les plus agités. Chacun a des gestes personnels : Guillaume Bellom fait parfois une sorte de « haut les mains » gracieux au dessus du clavier ; pendant les passages pour piano solo, Renaud Capuçon retourne parfois son instrument et examine le dos, comme s’il cherchait le nom ou la marque du luthier.

Les yeux souvent fermés, Renaud Capuçon joue toujours avec une grande intensité (qui n’empêche pas l’aisance et la souplesse corporelles). Guillaume Bellom au piano n’empiète jamais sur le rôle du violon, mais ne s’efface jamais non plus, toujours à la bonne place dans le duo.

Le programme conclu, les deux musiciens se sont remis trois fois à leurs instruments. Smile, écrite par Chaplin pour son film Les temps modernes, Vocalise de Rachmaninov, et un extrait de la bande sonore de Morricone pour le film Cinema Paradiso, ont permis au public de se détendre après la concentration demandée pendant le récital – et d’être ému autrement.

denis.mahaffey@levase.fr


(*) C’est à la demande pressante du violoniste russe David Oistrakh que le compositeur a transcrit la sonate, d’abord écrite pour piano et flûte (d’où le « bis » après « op.96 »). La nature différente des deux instruments peut être appréciée en écoutant les deux versions l’une après l’autre.

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