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Musique

Quand les tambours ont roulé

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L'art des rythmes

Un être humain vit dans ses rythmes internes. Son cœur bat, il respire, ses intestins se contractent, il cligne des yeux, ses pieds avancent à pas réguliers, il tape dans les mains pour applaudir, et ce n’est pas tout.

Un des plaisirs de la musique ne serait-elle pas, au-delà de l’harmonie et la mélodie, d’entraîner le corps vers d’autres battements, extérieurs ceux-là, le libérant de cette confusion de rythmes quotidiens ? Sinon, comment expliquer que le corps accueille si volontiers ces cadences venues d’ailleurs, jusqu’à vibrer en unisson ?

La question se pose en écoutant « Les Tambours du Bronx ». A part un clavier, il n’y a que le bruit des mailloches qui frappent des bidons vides. « Il n’y a que » ? : les sons qu’ils produisent sont énormes, riches, réjouissants, excitants.

Les quatorze musiciens se rivalisent en force de frappe. Les mouvements des torses, bras et mains sont chorégraphiés, les corps circulent, changent de place.

Depuis près de trente ans, ces fils de cheminots de Nevers, qui avaient commencé à taper sur des bidons vides, presque par désœuvrement, attirent les foules partout (au Mail une petite foule attendait en bas dans l’espoir d’avoir une place).

C’est un travail d’ensemble, dans une ambiance de complicité amicale – et d’émulation ; mais quelques solistes à la personnalité forte se dégagent, dont Cécé (les petits noms sont la règle), qui arpente la scène comme un Johnny Halliday à l’énergie décuplée, et Thierry, plus âgé mais bondissant comme une chèvre de montagne.

L’un après l’autre, les batteurs enlèvent le maillot, jusqu’à ce qu’il n’y a plus que des torses nues (sauf celles qui restent vêtues de leurs tatouages). Ici et là une main porte un pansement.

Les mailloches se fragmentent, les bidons se cabossent sous les coups. C’est très mâle. Comme dans un match de rugby, ce n’est pas ici que ces hommes révéleront leur côté féminin. Mais la beauté du spectacle vient de ce que la force ne soit jamais violence. C’est une belle illustration de ce phénomène parfois oublié.

Par moments les mouvements coordonnés – et la présence d’une tête de rhinocéros géant au fond et de deux grandes ailes de bois de chaque côté du plateau – feraient penser à une cérémonie tribale pour fêter ou apaiser les esprits régnants.

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Les musiques compatibles

Les Tambours auront-ils répondu à l’enthousiasme du public, après avoir quitté la scène, en faisant des rappels, comme c’est souvent le cas ? Je suis parti au plus vite, pour finir la soirée à la CMD, où le Cercle Baroque de Fabio Bonizzoni donnait le deuxième de trois concerts consacrés à la « Passion baroque ». Celui-ci proposait un panorama de sept grands compositeurs « des origines au Baroque tardif », de Monteverdi à Händel.

Michela Antenucci accompagnée par Fabio Bonizzoni et les instrumentistes du Cercle Baroque

Michela Antenucci accompagnée par les instrumentistes du Cercle Baroque

Je suis arrivé alors que la soprano Michela Antenucci allait terminer le récital en chantant le air final de « Didon et Enée » : « When I am laid in earth ». Comment passer des roulements de tambour à la lenteur poignante et apaisante de Purcell ? Eh bien, en acceptant qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux formes, seulement une différence de registre. Et une différence de cible : alors que les rythmes du rock atteignent le ventre, le Baroque touche le cœur.

Le Cercle Baroque a cinq ans : son premier concert avait été donné à l’Arsenal en 2011. Par ailleurs, Michela Antenucci avait participé à l’enregistrement public de l’opéra en Purcell, récemment sorti en disque, mais pas dans le même rôle : elle y avait été une des deux méchantes sorcières.

denis.mahaffey@levase.fr

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