Seule la rangée de poteaux lumineux en courbe, au fond du plateau, éveillait une réminiscence du jazzman trompettiste venu a la Cité de la Musique en 2018 et 2022. Là, il jouait avec un quintette de cordistes dont la formation classique n’a pas freiné leur élan, centré sur le mordant de la trompette. Cette fois, seuls une chaise et deux pupitres attendaient Romain Leleu, accompagné par son petit frère Thomas (« trois ans et neuf mois de moins » a précisé celui-ci).
Romain entre avec son instrument dans la main, Thomas avec le sien dans les bras. C’est un tuba. Au programme : une sélection du contenu de leur album Virtuosi. L’album avait été enregistré dans la grande salle de la Cité, renommée pour la pureté de son acoustique, et de plus en plus demandée en tant que studio d’enregistrement.
Ils commencent par jouer la Passacaille de Händel. La trompette qui domine et le tuba qui puise dans ses profondeurs pour l’accompagner donnent un nouvel éclairage à cette musique si familière.
Puis ils se présentent, Thomas qui explique leur projet et leurs intentions, alors que Romain attend la fin du deuxième morceau pour ajouter ses commentaires. Entre les deux, une aisance de frères, mais aussi une petite combativité, comme entre frères. Romain corrige une date, Thomas tend à garder le micro.
La combinaison d’instruments si différents offre de la nouveauté, des curiosités, des bizarreries, illuminations et une verve constante. Dans l’Air sur une corde de sol de Bach, la note que soutient habituellement le violon, la faisant flotter au dessus des autres instruments, s’impose avec une clarté absolue, changeant toute la dynamique.
Pour l’entêtant Interlude n°4 de Botschinsky, le déséquilibre sonore entre les instruments a obscurci le canon auquel s’adapte le thème précis comme une formule mathématique, mais sans enlever l’effet de la montée en puissance.
Thomas et Romain racontent la naissance de Virtuosi. Pendant la période du Covid ils ont pensé à faire quelque chose qui n’avait jamais semblé possible : trouver le temps pour une collaboration. Selon Thomas, Romain le musicien-né avait quitté la maison familiale assez tôt. Lui-même est resté, « longtemps dilettante », avant de s’engager. Alors en 2020 ils ont pausé et réfléchi. Puis se sont mis à créer un programme pour lequel leurs deux instruments se mettraient en duo.
Enfin, après un long passage solo Thomas, seul sur scène, a été rejoint par Romain. Le concert s’est terminé par Libertango de Piazzolla. Seuls ceux parmi les auditeurs qui avaient une bonne mémoire – ou de bonnes archives – savaient que l’ensemble de Romain Leleu avait joué le même tango en 2018, mais adaptée pour trompette et cordes.
Cette fois Thomas Leleu a voulu le dédier à un ami proche récemment décédé. Cet ami était Michel Blanc.
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