Trotignon : le jazz est un long fleuve tranquille

Les cinq premières notes montantes de « I loves you Porgy » de Gershwin sonnent au piano de Baptiste Trotignon. Il part ensuite dans une exploration de ce thème, s’en éloigne, parfois si loin que la phrase semble avoir disparu à jamais, s’en rapproche à nouveau, repart. Plusieurs fois le thème revient, nu, poignant. Le contrebassiste Thomas Bramerie et le batteur Jeff Ballard se joignent au périple.

C’est un exemple de l’approche de ce pianiste de jazz. Il relève tous les défis, tente toutes les aventures, prend tous les chemins, mais sans esbroufe. Pas d’éclats, une tranquille reconnaissance du terrain de chaque numéro. L’auditeur n’est jamais bluffé, jamais interloqué par des vociférations. Parfois, la musique fait penser à un laboratoire, où des expériences fascinantes auraient lieu. L’ambiance qui se crée n’est pas loin du recueillement.

Les deux autres musiciens adoptent le même style de jeu. Jeff Ballard, loin de produire des feux d’artifices avec sa batterie, caresse les cymbales avec une brosse de tambour, produisant un fond sonore comme un vent rythmé qui soufflerait derrière la musique. Thomas Bramerie montre la même retenue, tout en creusant des sillons pleins de réflexions.

Ce jazz est sautillant ou élégiaque, sans être ni facile ni abscons.

« Hit », le titre du concert, est également celui de leur dernier album.

denis.mahaffey@levase.fr