Michel Deharvengt et les lieux de vie
La pièce paraît vaste, alors qu’elle n’est que spacieuse. Les canapés semblent zigzaguer, mais c’est le tissu qui crée cet effet. De grandes vitres donnent l’impression de faire entrer le jardin à l’intérieur. A l’évidence, un architecte s’y est senti libre d’appliquer ses idées. Michel Deharvengt est architecte, et a conçu sa propre maison.
Michel Deharvengt chez lui à Soissons
Il reçoit au «rez-de-jardin», le niveau au-dessus de l’étage d’entrée, sur un terrain pentu, ancien verger du Grand Séminaire, devenu le collège Saint Paul.
Michel naît près de Marne la Vallée, où son père travaille aux chemins de fer. Il devient élève d’un établissement religieux tout près. «J’étais externe, et je ne suis pas entré dans la vie collective.»
Bachelier à seize ans, à l’insistance de son père il commence des études pour être ingénieur. Mais à vingt ans il décide d’entrer aux Beaux Arts de Paris pour étudier l’architecture. «A l’époque, les études permettaient de travailler en même temps. Je faisais pour un architecte les tâches à présent informatisées. «Petites mains», on nous appelait.»
Les sursis épuisés, il fait près de deux ans de service militaire en Algérie. «Je suis amnésique sur cette époque.» Au retour, il obtient son diplôme, se marie et, «n’ayant pas de relations à Paris», reprend une agence à Soissons. Avec son associé Daniel Noël, il est responsable de la reconstruction du lycée Vinci, de la nouvelle aile du lycée Nerval, de maisons de retraite, d’hôpitaux et, «moins heureusement» dit-il, d’immeubles de Presles. Le départ en retraite il y a trois ans, arrêtant un métier qui l’a captivé, a été ardu.
A côté de son travail, il a longtemps contribué à animer la vie musicale locale. «A notre arrivée elle était presque inexistante.» Ses efforts, et son rôle dans la vie de la cathédrale, lui valent de présider « Les amis des orgues de Soissons ».
En 1999, suite à une exposition sur la Bible, ce qu’il appelle «la trilogie des églises de Soissons», catholique, réformée et baptiste, fonde une association pour l’étude historique de ce document fondateur – non pas pour des «études bibliques». Il accepte de présider « Bible en Soissonnais ».
«Je suis d’abord chrétien, puis catholique atypique.» Sa femme Michèle est protestante, et cela leur arrive de s’accompagner aux offices des deux églises.
Michel Deharvengt raconte les cercles qu’il fréquente, dont le monde compliqué des facteurs d’orgue et d’organistes, avec un détachement amusé qui n’est jamais une distance froide. Resterait-t-il le lycéen à l’écart du collectif ? Mais sans se donner des airs de notable, il parle comme quelqu’un dont les paroles sont d’habitude écoutées avec attention.
A la différence d’autres créatifs, écrivains, peintres, un architecte peut passer devant ses œuvres dans la rue, les voir lieux de vie. Michel Deharvengt appartient à une communauté qu’il a aidé, littéralement, à construire.
L’Union 26/04/2006