Le Vase des Arts va parfois s’offrir et offrir un regard éclair sur un événement, un phénomène, un incident. L’éclair est bref de nature, mais sa lumière révèle ce qui est et ce qui se passe.
Une réticence, plus qu’une interdiction, a empêché de prendre en photo le policier à la baguette. L’image vient d’une agence.
Un policier (de la Police Nationale d’ailleurs) en uniforme, avec arme, radio, matraque, menottes et autres accoutrements à la taille, sur les hanches, sur la poitrine, sort d’un magasin de la rue Saint-Martin.
Il traverse le trottoir vers la voiture de police qui l’attend, le moteur ronronnant. Le véhicule est arrêté en double file, dans la circulation légère de fin de matinée.
Dans une ville aussi tranquille que Soissons la police est rarement en évidence, et alors les regards se dirigent – mais en coin – vers cet agent. Vient-il de faire une interpellation, est-il intervenu pour calmer des esprits chauffés, enquête-t-il sur un méfait, un vol, un racket, même une mort suspecte ?
Mais non. Le magasin est une boulangerie, et le policier n’a ni son arme ni sa matraque à la main. L’heure du déjeuner va bientôt sonner au commissariat, et il y rapporte une baguette.
L’image mêle gaiement les connotations : le pouvoir publique et la domesticité, la lutte contre le crime et le petit creux de midi, l’homme armé et l’homme qui déjeune en une seule personne. Ce policier, dont la tâche est de représenter et faire appliquer la force publique, laisse voir en même temps l’intimité de sa faim.
denis.mahaffey@levase.fr