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Théâtre

Eric Tinot et le vilain petit canard

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L'art du théâtre masqué

OLYMPUS DIGITAL CAMERAPour un entretien avec le comédien-clown-acrobate Eric Tinot, il faut – littéralement – se lever tôt. Rentré se reposer à Soissons, au retour du Guatemala, il m’ouvre la porte, sa première tasse de café à la main, et je m’assieds dans la cuisine.

Il s’agit de faire le point sur sa compagnie de théâtre masqué « Pass’ à l’acte », après la création pour la Semaine théâtrale de « Maîtres et valets », et la reprise du « Vilain petit canard » au Guatemala. Nous revenons surtout sur les étapes de son engagement au théâtre.

A l’entendre, Eric serait une illustration frappante de la « résilience », la capacité, définie par Boris Cyrulnik, de rebondir après un trauma, en allant parfois plus loin que si le sujet avait eu une enfance pépère.

Il avait été « placé » après des maltraitances. Adopté à trois ans, il a pourtant été étiqueté « enfant de la DDASS » à l’école.

A quinze ans, pour vaincre sa timidité, il prend un « passeport Jeunes » et découvre le théâtre. Il s’y investit, passe tous ses samedis-dimanches à travailler dans un café-théâtre, sans être payé.

A dix-huit ans, il découvre qu’il sait faire le grand écart « à un casting pour le cabaret de Villers-en-Prayères ». Il était danseur ? « Pas du tout. » Il a donc dansé. Son talent est de saisir chaque fois la balle au bond, puis d’apprendre les règles du jeu en jouant. Un quiproquo a failli mal tourner quand il travaillait dans un petit cirque près de Soissons. Il le raconte en commençant « Je crachais du feu à Paris », comme si c’était banal.

La vague de la réussite n’a eu que quelques creux : « J’ai été livreur au supermarché Cora » car avec tant d’activités il est passé à côté du bac.

Eric Tinor avec Fabrice Ply  ont joué ensemble dans "Maîtres et valets".

Eric Tinot avec Fabrice Ply ont joué ensemble dans “Maîtres et valets”.

Allait-il rester homme à tout faire, sollicité partout mais mal récompensé ? A dix-neuf ans, il a rencontré celui qui allait donner un sens à ses efforts : Mario Gonzalez, né au Guatemala et professeur au Conservatoire de Paris.

Spécialiste du théâtre masqué, il a formé Eric à cette discipline exigeante. Le jeu masqué n’admet aucun flou, demande une précision de geste, une clarté de parole. Sinon, le masque cache le comédien au lieu de le révéler. Résultat de ce partenariat, « Pass’ à l’acte » a été créée en 2005.

En janvier 2015 Mario Gonzalez est retourné au Guatemala animer des ateliers, accompagné d’Eric Tinot, qui a joué « Le vilain petit canard », non seulement en espagnol, mais en guatémaltèque, avec ses tournures – toujours cette capacité extraordinaire d’adaptation.

Parmi ces succès et projets, Eric a cependant choisi de jouer le vilain petit canard, en portant « le plus petit masque du monde », le nez rouge du clown. « Je me retrouve en lui. » Qu’il n’oublie pas que ce qui compte, quand le canard déconsidéré renaît de ses souffrances, est qu’il reconnaît lui-même sa propre beauté.

Le site de Pass’ à l’acte donne les détails de cours de jeu masqué, à Soissons et en Espagne.

denis.mahaffey@levase.fr

 

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