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Théâtre

Et cætera

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L'art du théâtre

« L’affaire Calas et cætera » : les mots qui comptent dans le titre de la pièce de Frédéric Révérend au théâtre du Mail sont « et cætera ». Car il ne s’agit pas d’une simple dramatisation de l’histoire du drapier protestant Jean Calas, exécuté à Toulouse en 1761 sous prétexte qu’il aurait étranglé un de ses fils, supposé vouloir se convertir au catholicisme ; la clameur soulevée a amené Voltaire à intervenir pour défendre la cause de la tolérance. Toute cette histoire est racontée. Mais elle est enrichie de touches surréalistes, d’humour, de commentaires, d’anachronismes, de la fracture des mots : le Capitoul chargé de l’enquête interroge tous et tout, convoquant même la porte close de la maison – qui se présente, sous les traits d’un des acteurs ; la servante catholique des Calas s’écrie « Salut Marie, pleine de crevasses ». Le spectateur, constamment bousculé, ne peut pas s’installer dans l’écoute d’un récit.

Il y a des ellipses, de soudains changements qui surprennent et éclairent. Louise Jolly, au corps rembourré symbole de la féminité généreuse, joue la femme de Calas puis soudain, en remontant de ses épaules un foulard rouge, annonce « Je suis Toulouse » et parle en tant que telle.

L’écriture brouille les images conventionnelles de cette histoire : Calas avait déjà rejeté un autre fils converti ; Voltaire a aussi des motivations vénales. L’auteur dit avoir posé la question « Et si la Bêtise unissait les gens plus fortement que la Raison ? »

Un puissant facteur de la production est la beauté conjuguée de la mise en scène, de la scénographie, de l’éclairage et des costumes. En habits rouges et jaunes, les personnages prennent position comme pour un tableau vivant, puis évoluent pour en former un autre. Ils déplacent quatre lourds praticables en forme de volées de marches, changeant constamment la configuration de la scène. L’éclairage crée de subtils chiaroscuri qui accentuent le sens des dialogues et mouvements. Deux longs lés de tissu, l’un blanc, l’autre rouge, sont utilisés comme tapis, ou pour des travaux de couture, ou simplement pour relier les éléments sur scène, en adoucissant les lignes sévères du décor. Les comédiens les positionnent soigneusement à chaque changement.

Olivier Broda a mis en scène cette production de la compagnie Théâtre du Temps Pluriel de Nevers. Il était venu au Mail en tant qu’acteur en novembre 2015, dans une adaptation de « La panne » de Dürrenmatt. Accompagné seulement par une violoncelliste sur scène, il avait joué les cinq rôles d’une histoire de sinistre jeu judiciaire, le transformant en l’étude d’un être détruit par ses propres monstres. « Calas » illustre à nouveau un propos de Broda : « Notre vision du théâtre (…) cherche à penser autrement. »

denis.mahaffey@levase.fr

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