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L’éphémère à l’école : Brigades d’Intervention Poétique

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L'art de la poésie

Anne de Rocquigny et Virginie Deville dans la cour de l'Ecole de la Gare avant l'intervention..

L’Ecole marche selon des règles, d’horaire, de programme, de comportement, de discipline, avec plus ou moins de rigidité selon l’établissement, l’administration, les enseignants, les matières – et les élèves.

Mais chaque printemps depuis 2009 cette belle mécanique éducative est volontairement déréglée dans les écoles de Soissons, quand les Brigades d’Intervention Poétique (BIP) font irruption dans chaque classe de chaque école, sans que les élèves soient prévenus, restent dix minutes, reviennent le lendemain. Pendant ces interventions les deux brigadières déclament des poèmes qu’elles ont choisis, selon un thème choisi par la campagne Printemps des Poètes. Après Désir, Courage, Infinis paysages et d’autres, le mot pour 2022 est « Ephémère ».

Je retrouve Anne de Rocqigny et Virginie Deville dans la cour de l’Ecole de la Gare le dernier jour de la campagne, pour les accompagner dans deux classes. La Ville de Soissons continue à financer l’action, cette année dans neuf écoles : Centre 1 et Centre 2, Michelet, Saint-Waast, la Gare, Galilée, Fiolet et Jean Moulin, totalisant 43 classes, et donc 86 passages.

Les deux comédiennes de la compagnie de l’Arcade, qui a une longue relation avec Soissons, sont flamboyantes dans de longues robes écarlates – après s’être habillées en éphéméropteristes (*) au premier passage. Avant d’entrer, Anne endosse un sac à dos dont sort un tronc d’arbre branchu. Virginie tient sur sa tête un petit panier.

Elles ouvrent la porte, entrent. L’ambiance de la classe est transformée : les élèves sourient, échangent des regards, comme pour dire « Mais qu’est-ce qu’elles vont inventer aujourd’hui ! »

Immédiatement, Brigadière Anne fixe la classé et récite « O ! temps suspends ton vol… ». Les paroles de Lamartine annoncent la couleur : le temps suspendu, l’éphémère règne. Elles chantent, dansent, font de la magie avec une fleur en papier, s’adressent à des élèves individuels, timides ou enthousiastes. Puis elles ouvrent la porte et sortent – suivies de François Hanse, Adjoint à la culture et au patrimoine de la Ville, venu témoigner par sa présence de l’importance qu’attache la Ville de Soissons à cet apprentissage poétique.

Anne de Rocquigny et Virginie Deville avec François Hanse dans la cour après l’intervention.

Et… Anne et Virginie resurgissent pour répandre des pétales de rose. Seraient-ce celles de la rose de la jeunesse que, selon Ronsard, la Mignonne doit cueillir car « la vieillesse fera ternir votre beauté » (« Pas encore ! » s’exclame un élève) ?

Après la séance, Anne a parlé de la démarche.

« D’emblée le thème de l’Ephémère évoquait la condition humaine par excellence, dans sa beauté et sa fragilité, ce que l’actualité ne cesse de nous rappeler entre crise sanitaire et guerre… sans parler du temps qui passe et qui nous transforme à chaque instant.

On  commence par chercher des pistes à l’aide d’un dictionnaire… En même temps nous cherchons des poèmes en lien avec les différents axes du thème.

Nous sélectionnons des poèmes contemporains et classiques qui nous plaisent, sont en lien avec une des facettes de l’éphémère, et nous paraissent possibles pour notre public. Puis nous confrontons nos sélections, les lisons ensemble et défendons nos choix car il va falloir en abandonner beaucoup !

Nous cherchons aussi des idées de mise en scène, de costume, d’ accessoires, d’entrées dans la classe, ainsi qu’une dramaturgie en assemblant les poèmes. Il faut que ça raconte une histoire tout en ne disant que les mots des poètes. » Puis elles répètent.

« Petit à petit on a cherché à enrichir notre proposition. On se dit : qu’est ce qu’on va faire après ? Et puis on trouve de nouvelles idées de jeu, d’interaction avec les enfants…

Souvent les élèves nous suivent dans la cour, veulent nous accompagner dans une autre classe pour faire la surprise, nous disent “C’était trop bien”  ou “Vous êtes trop belles ! » et nous demandent si on va revenir dans leur classe. Parfois on reçoit des dessins.

Mais le vrai cadeau c’est de voir les yeux des enfants qui brillent, leur sourire (enfin sans masque), leur capacité d’émerveillement – ou leur côté très normatif  (« Euh, on est en classe quand même…  » dit l’un d’entre eux nous voyant danser), et leurs réactions à nos transgressions,  toujours différentes en fonction des âges et des sensibilités… Bref, c’est très vivant et il n’y a pas qu’eux qui s’amusent ! »

Cette année, dix-sept poètes en deux fois dix minutes, dont Queneau, Prévert, Baudelaire, Ronsard, pour parler de ce qui ne dure pas, dans un langage riche dépassant le vocabulaire des élèves mais qu’ils entendent comme de la musique qui laisse des traces.

L’éphémère y a été, n’y est plus.


(*) L’éphémère, aussi appelé manne, est un insecte éphéméroptère ; logiquement, celles et ceux qui les étudient seraient des éphéméropteristes.

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