Pour enthousiasmer le public au théâtre dès que les lumières de la salle baissent, il n’y a pas mieux que de faire paraître sur scène une star du petit écran. L’ayant déjà reçue chez eux à domicile, les spectateurs l’accueillent comme une vieille amie.
D’où le rugissement qu’a entendu Fabrice Eboué en faisant son entrée au Mail pour son nouveau spectacle Plus rien à perdre. Quelques taches de rouge indiquaient les seules places laissées vide, peut-être par ceux qui avaient fait attention aux prévisions de neige.
Une boule d’énergie physique et verbale
Fabrice Eboué est une boule d’énergie physique et verbale qui rebondit sur le public. Il identifie quelques spectateurs qui seront ses repères : Julien au premier rang qui est nommé porte-parole de ses co-spectateurs, Arthur, âgé de douze ans (« Tu as choisi le bon spectacle ! » réplique l’humoriste avec un sourire malin).
Il annonce tout de suite le principe qui justifiera selon lui les excès et provocations qui suivront. « J’en ai marre des gens qui rigolent de tout sauf de ce qui les concerne. » Autrement dit, si quelque chose vous offense, regardez comment le sujet vous atteint : vos préjugés ne seraient pas en ligne de tir ? Il fournit une palette de thèmes à faire rager : le complotisme qui pollue Youtube ; le véganisme ; l’homosexualité ; la religion (« Je suis catholique, la mère de mon fils musulmane ; mon fils me demande « Quelle religion j’aurai ? » « Tu choisiras toi-même : à Pâques papa cache des œufs en chocolat ; Maman égorge des moutons. »), même « l’écriture inclusive » censée éliminer la discrimination masculin-féminin mais qui ignore d’autres inégalités (« J’ai un pote qui est nain ; il veut faire interdire les majuscules. »).
Il déploie trois formes de langage. D’abord, le torrent verbal caustique qui force le spectateur à faire courir ses oreilles pour suivre. Ensuite, son langage corporel : il saute et sautille, fait de grands moulinets avec les bras. Pour montrer son constant désarroi devant l’énormité de certains lieux communs tout entre en jeu, du visage au bout des doigts, incarnant presque littéralement le mot « estomaqué ».
Le troisième langage, le plus évident et en même temps son arme secrète, est un sourire angélique qui respire la bonté, la douceur, l’amabilité. Fabrice Eboué l’extrémiste comique l’utilise en contrepoint à l’outrance de son discours. Derrière le barbarisme humain, entend-il, il nous fait partager notre humanité souriante.