Dans Prélude à la Fugue le comédien Julien Barret réussit à répondre aux quatre questions qu’il se pose dans sa « note d’intention » concernant son projet : Pourquoi partir ? Que fuit-on ? Pour aller où ? Pour trouver quoi ?
Le spectacle, créé à Angers en octobre, est donc arrivé au Mail à quelques semaines d’âge. En compagnie du violoniste Pierre-Marie Braye-Weppe, Julien Barret fait de la scène un lieu de voyage, en mouvement, en mots et en musique. Le texte est pris dans divers écrits de l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson qui parlent de la passion, l’amour, l’isolement, la solitude, la joie et le désespoir de l’acte de voyager. De grandes idées habitent le voyageur, des incidents mesquins le freinent. Le temps horaire lui fait hâter le pas ou le freine, le temps météorologique le gâte ou le met à l’épreuve, le jour et la nuit éclaire ou assombrit ses actes.
Julien Barret admet le paradoxe qu’il vit lui-même : vouloir partir sur les chemins du monde, et vouloir rester dans une salle de théâtre. Prélude à la fugue communique cette contradiction au public. Mais plus que cela, par son admirable performance physique, car il ne ménage pas son corps, il devient un voyageur sur le plateau, en déplacement constant. Pierre-Marie Braye-Weppe, avec son violon électronique, est son compagnon de voyage, complice ou querelleur, mais en notes de musique plus qu’en mots.
Pierre-Marie Braye-Weppe
Julien Barret insère dans les propos de Tesson, comme des brillants, des poèmes dans lesquels Baudelaire, Pessoa, Mallarmé et d’autres poètes font face au besoin, au désir et au refus de partir ailleurs. L’agitation du voyage est en conflit fécondant avec la solitude immobile de l’écriture.
Le comédien et le musicien commencent le spectacle devant un grand rideau neutre, même terne. Mais Julien Barret le manipule en tirant sur une corde suspendue des cintres ; comme le rideau est si long qu’il s’étend jusqu’au fond de la scène, il se lève en courbe, comme la grand’voile d’un voilier. La scénographie devient elle-même un poème sur le voyage.
Le spectacle tout entier, d’ailleurs, est un poème. Les mots, les mouvements, les images sont saturés d’un sens que ne vient expliciter aucune prose. A la fin, Julien Barret et Pierre-Marie Braye-Weppe rentrent de leur voyage : c’est-à-dire qu’ils viennent saluer le public, dégagés le temps des applaudissements de leur panoplie de voyage.