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Musique

Prochainement (17/11)/ Baroque : de stage en concert

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L'art d'apprentissage du Baroque

Sebastian, Aleksandra, Pablo et Yukari travaillent sur un quatuor de Telemann.

A la sortie d’un stage de formation de neuf jours à Soissons, les stagiaires de l’Orchestre Français des Jeunes Baroque, sous la direction de Rinaldo Alessandrini, donneront trois concerts, dont le premier à la CMD samedi soir.

Sur le plateau de la grande salle de la CMD, les vingt stagiaires répètent la première des trois suites de la Water Music de Handel qu’ils joueront en concert. Rinaldo Alessandrini s’adresse à eux… en anglais. Il explique : « Ils viennent de tant de pays que le plus simple est de parler anglais. »

Hyôn-Song Dupuy avec son hautbois baroque

Pour la treizième année, des auditions de lOFJ Baroque ont été menées à Paris, Lyon, Strasbourg et Bordeaux, pour des candidats scolarisés dans des grands conservatoires, dont plusieurs à l’étranger, comme ceux de Bâle, Genève, Barcelone, La Haye. Cette diversité d’origines explique le recours à l’anglais.

L’OFJ Baroque a déjà tenu son stage à Soissons en 2017, avec le même chef, et en 2015 avec Leonardo Garcia Alarcón; le prochain aura lieu à Compiègne. Ce choix vient du fait que les deux ensembles OFJ, le Baroque et le Symphonique, sont désormais résidents en Hauts de France. C’est un atout pour l’Aisne, et peut être attribué au dynamisme et à la réputation de l’Association pour le Développement des Activités Musicales dans l’Aisne (ADAMA). Comme le projet Baroque est financé à 80% par le Ministère de la Culture, et à 5% par des mécènes, la Région obtient, pour 15% du budget, le prestige d’un grand projet, plus la présence de jeunes musiciens qui pourront garder un lien avec la Région, et qui donnent des concerts publics sur place. Le projet correspond d’ailleurs aux efforts d’ADAMA pour donner une occasion à des instrumentistes souvent confinés dans le cadre de cours particuliers d’apprendre à jouer ensemble.

Ainsi Rinaldo Alessandrini fait travailler le programme du concert, soit par section, les cordes, les vents, soit tous ensemble (« tutti »). Ses conseils sont en anglais, mais ses mains sont également éloquentes quand il explique ce qu’il voudrait entendre. Il fait reprendre des éléments de la partition, souvent plusieurs fois, jusqu’à obtenir le résultat recherché. « Je leur apprends à mettre de l’expression, à suivre des phrasés. » C’est un peu comme si les stagiaires venaient avec les mots qu’ils ont appris, et lui il ajoutait la syntaxe. Au fur et à mesure qu’ils répètent, l’auditeur entend émerger un sens, une interprétation.

Les stagiaires jouent sur des instruments baroques, lesquels, dans le cas du violon, du hautbois et de la flûte, par exemple, sont bien différents des instruments modernes. La plupart de ces jeunes se spécialisent dans la musique Baroque. Seuls quelques-uns se partagent entre les formations Baroque et Symphonique de l’OFJ. Hyôn-Song Dupuy, né en Corée et élevé en France, demande s’il doit sortir son hautbois baroque ou le moderne pour les besoins d’une photo. « Je fais les deux stages parce que les deux types of musique m’intéressent. »

Par ailleurs, de petits groupes de stagiaires travaillent sur des œuvres de musique de chambre, qu’ils joueront à différents lieux dans Soissons. Seuls dans la grande salle, quatre instrumentistes apprennent le premier des Quatuors Parisiens de Telemann, qu’ils donneront en concert dans une maison de retraite.

Sebastian Bereta, flûtiste, est bosniaque ; Aleksandra Brzóskowska, qui joue uniquement le violon baroque, vient de Varsovie ; elle connaissait déjà Yukio Ishikawa, claveciniste qui joue aussi le piano-forte et qui est japonaise, car elles sont toutes les deux au conservatoire de Strasbourg ; Pablo Romero est espagnol, et son instrument est la viole de gambe. Ils parlent anglais entre eux, travaillent avec précision mais dans une bonne humeur évidente.

En l’absence d’un chef, ils savent qu’en musique de chambre chacun doit être attentif en permanence aux autres. Comment font-ils pour établir le phrasé, les effets ? « Nous débattons, discutons, parlons. » Aleksandra ajoute « Et si nous ne sommes pas d’accord, alors on vote ! »

OFJ Baroque : concert samedi 17 novembre à 20h à la CMD.

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Histoire

Isaac l’autre Strauss

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L'art d'une musicologue

Isaac Strauss est né à Strasbourg en 1808, 18 ans après la levée de l’interdiction de 1389 aux juifs d’y résider. Fils de barbier, il a débarqué à Paris « avec un violon mais les poches vides » et a fait fortune en tant que compositeur de musique de divertissement, chef d’orchestre, jusqu’à devenir directeur des bals de la cour de Napoléon III et de grandes fêtes officielles.

Laure Schnapper, qui séjourne à Dommiers puis à Saint-Pierre-Aigle depuis 30 ans, est musicologue, universitaire, présidente de l’Institut Européen des Musiques Juives, musicienne. Dans sa biographie de l’arrière-grand-père de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, elle retrace les étapes sa vie.

A ne pas confondre avec la dynastie Strauss de Vienne, Isaac est tombé dans l’oubli après sa mort en 1888, reconnu seulement pour sa vaste collection de judaïcas, objets du culte et de la vie quotidienne des juifs de France. Cela peut s’expliquer par le peu de respect pour sa musique festive« fonctionnelle et répétitive », avec ses valses, polkas et quadrilles. D’où l’absence de partitions, ou seulement en transcription pour piano, « pâle reflet d’une musique de bal qui se voulait particulièrement flamboyante et festive ».

Laure Schnapper vise la « biographie sociale », situant Strauss le compositeur dans son époque, celle de l’essor de la musique, de l’intégration des juifs et leur participation à l’émergence de la société moderne.

Quel est l’attrait de ce livre pour les non-spécialistes ? D’abord, comme dans un roman, apprendre l’histoire d’Isaac et de son émancipation exemplaire ; ensuite, pour pénétrer dans le monde oublié de la musique de divertissement et de ses effets sociaux. L’approche est érudite, avec tout un appareil de références, renvois, index (« J’ai mis cinq ans » admet l’auteur), mais l’écriture est claire et élégante, et le texte est illustré de multiples gravures de presse, fragments de partitions et même dessins humoristiques d’époque.

Un livre pour les spécialistes mais aussi pour un lecteur prêt à redécouvrir une société pleine d’élan et de vigueur, disparue dans la confusion du passé mais que l’auteur fait émerger avec conviction et éloquence.

Musique et musiciens de bal : Isaac Strauss au service de Napoléon III. Editions Hermann, Paris 2023.

[Cet article paraît dans le Vase Communicant, édition Villers-Cotterêts/La Ferté-Milon n°19]

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Le Vase des Arts

La musique Romantique poursuit son chemin à la Cité : Mendelssohn et Grieg

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L'art de la musique Romantique

La dominante Romantique de la saison musicale 2023-24 à la Cité de la Musique de Soissons, illustrée par le concert de l’Orchestre Nationale de Lille en septembre, avec Grieg et Tchaïkovski, est confirmé par celui de l’Orchestre de Chambre de Nouvelle Aquitaine, avec Mendelssohn et, encore, Grieg.

La soliste Manon Galy et le chef d’orchestre Mark Coppey

Comme pour marquer quand même une parenthèse entre les deux programmes Romantiques, et rappeler que les silences peuvent, non pas interrompre la musique mais créer des respirations dans l’écoute, le concert a commencé par Words, une très courte œuvre de la compositrice allemande contemporaine Isabel Mundry.

Ensuite, la très jeune violoniste Manon Galy, lauréate aux Victoires de la musique 2022, a remplacé Alexandra Soumm comme soliste dans trois concerts avec ce même programme, sous la direction de Mark Coppey.

Il s’agit d’un des défis auquel doit faire face tout violoniste. Le concerto de Mendelssohn met à l’épreuve sa virtuosité et sa sensibilité.

Ce qui s’est passé a été une sorte d’histoire… romantique. Manon Galy est arrivée sur scène, étincelante en lamé argent, l’air fragile, le visage fermé. Après les quelques notes qui précédent l’entrée du violon au début – une nouveauté par rapport au schéma Classique, qui veut que l’orchestre joue une introduction, comme une mini-ouverture, elle a attaqué. La cadence vers la fin du premier mouvement a été brillante, le basson et la flûte ont fait le pont et elle s’est lancée dans le mouvement lent, exaltant, contemplatif et parfois déchirant. Son visage a changé, elle s’est détendue, et avec le troisième mouvement furieusement énergétique, elle a confirmé sa maîtrise. Une réussite, et elle le savait car elle était souriante en saluant la salle et l’orchestre.

En bis, elle a osé affronter la Méditation de Thaïs de Massenet, piège pour tout musicien susceptible d’être tenté de faire pâmer la salle. Manon Galy est restée ferme, évitant toute sentimentalité, tout…romantisme, et a ému. Encore une Victoire, que le public a semblé reconnaître par son accueil.

Avant le concert la harpiste Iris Torossian prépare son instrument, noir comme sa robe.

Ce grand moment passé, les auditeurs ont pu se laisser divertir et charmer par les deux suites Peer Gynt de Grieg. Les trois « tubes » font toujours plaisir, à écouter et, dans une salle de concert, à voir, et les cinq autres pièces, moins familières, se laissent davantage connaître.

Ce double événement, et les autres concerts programmés pour la saison, proposent un long regard vers l’ère Romantique, dont les compositeurs, laissant leur inspiration, les mouvements de leurs émotions, générer les formes de leur art, bousculaient les structures plus ou moins strictes de composition des époques Baroque et Classique.(*)

(*) Admettons que les amateurs du Baroque et du Classique défendent ces structures (comme ceux qui, en poésie, préfèrent le sonnet et l’alexandrin au vers libres) en pensant qu’au lieu d’entraver la créativité elles l’éperonnent, posent un défi fécondateur au compositeur (comme au poète).

Un commentaire ? denis.mahaffey@levase.fr

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Le Vase des Arts

Concerto et symphonie d’amis : Grieg et Tchaïkovski

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L'art de la musique Romantique

Alice Sara Ott au piano, Alexandre Bloch à la baguette, attentif l'un à l'autre

Les programmes papier de la Cité de la Musique accordent une place prépondérante à la carrière des solistes et du chef. Les œuvres font de temps de temps l’objet des excellents « guides d’écoute » rédigés par la Classe d’Analyse de Christine Paquelet au Conservatoire. Mais parfois ils contiennent une petite mise en contexte des œuvres, toujours brève, profonde, instructive – et anonyme. Pour le concert de l’Orchestre National de Lille à la Cité de la Musique, la feuille distribuée à l’entrée, à côté des noms des musiciens d’orchestre, ce qui est rare, commentent les deux œuvres à jouer, le Concerto pour piano de Grieg et la 5e Symphonie de Tchaïkovski.

Les spectateurs y apprennent que les deux compositeurs se connaissaient et s’appréciaient. Cela éveille l’oreille à une communauté d’approche entre les deux – un exercice enrichissant quand il s’agit de « tubes » classiques, si souvent entendus qu’ils risquent de devenir une musique de fond.

Soliste et chef devant le public

Ainsi, les deux œuvres ont un côté spectaculaire, en faisant pleinement appel aux capacités des musiciens. Pour le concerto, cela inclut l’exploit technique de la soliste, Alice Sara Ott, jeune et presque frêle devant son clavier. Il s’agit de l’aspect visuel d’un concert, de la possibilité pour les auditeurs de « voir » la structure d’une œuvre, à travers les gestes des musiciens, et d’apprécier leurs capacité physique à mettre en sons l’inspiration du compositeur. Le début du concerto est comme toujours extraordinaire, les percussions précédant l’entrée fracassante du piano seul.

La 5e de Tchaïkovski s’engage dans le lent passage de l’inquiétude du début, du doute, vers leur résolution finale dans la certitude.

Par ailleurs, Grieg et Tchaïkovski partagent la capacité, au milieu de passages d’intensité prodigieuse, d’inclure des thèmes capables d’inspirer chez les auditeurs un sentiment si profond que la joie et la tristesse ne s’y distinguent plus.

Après le concerto, et avant la symphonie, Alice Sara Ott a pris la parole pour présenter son « bis ». Elle a parlé du nouveau piano de la Cité, en admettant qu’il lui fallait le temps de s’y habituer, et proposant, après Grieg, « quelque chose de plus intime » : Pour Alina d’Arvo Pärt, œuvre clef de ce compositeur estonien sur son chemin du minimalisme. L’effet dans la salle a été de marquer un interlude dans une soirée de vastes mouvements et de grandes émotions et parfois, dans le cas de Tchaïkovski, admettons-le, d’emphases théâtrales. Le morceau prend quelques minutes, mais il peut durer jusqu’à dix, selon l’interprète : Alice Sara Ott a choisi la brièveté, d’autant plus éloquente dans un océan de Romantisme.


La musique de l’époque Romantique a les faveurs de la Cité de la Musique cette saison, parfois de façon rapprochée : le concert de l’Orchestre National de Lille, avec Grieg et Tchaïkovski, est suivi quinze jours après par un autre, consacré à Mendelssohn et, à nouveau, Grieg.

Un commentaire ? denis.mahaffey@levase.fr

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