Connectez-vous avec le Vase

Le Vase des Arts

Adam et Lilith, ou Sur la route

Publié

le

L'art du théâtre rebelle

Le théâtre du Mail s’est rouvert après le long sommeil du confinement et de ses suites, en reprenant Lilith, programmée au printemps mais reportée, non pas à cause du virus mais parce que Laetitia Lambert, qui a écrit la pièce et y joue le rôle principal, attendait un enfant.
Avant le spectacle François Hanse, adjoint aux affaires culturelles, a dit son ravissement à accueillir à nouveau le public. « Sabrina et son équipe » disait-il, sûr que ce public d’habitués reconnaîtrait la directrice du Mail. Elle a expliqué après le spectacle avoir choisi la petite salle, plus intime que la grande en haut.

Lilith enfreint dramatiquement et littéralement « la règle Tchekhov », selon laquelle l’apparition d’un fusil dans le premier acte doit donner lieu à un coup de feu au second ou troisième.

Ainsi la Femme dans la pièce entre en scène armée d’un pistolet, et entend s’en servir. Mais elle finira par ne pas tirer le coup attendu.

La Femme et l’Homme roulent à fond de caisse.

C’est le dénouement de l’histoire d’un voyage en voiture par la Femme, seule à connaître la destination, et l’Homme marié qui l’accompagne. Voiture ? Deux sièges sur une estrade, le volant un accessoire tenu par l’une ou de l’autre. La route ? Une vidéo projetée sur un rideau de gaze montre la route montagneuse derrière le véhicule, qui avance à fond de caisse. Derrière le rideau les deux personnages apparaissent légèrement brouillés, comme si leurs certitudes étaient mises en doute.

Cette disposition est due à Olivier Broda (*), qui a retravaillé la mise en scène originale. A côté de la comédienne, l’Homme est joué par Cédric Romain, qui a remplacé à Soissons Fabrice Michel, plus âgé, peut-être un adversaire plus redoutable. Quant à Laetitia Lambert, pourtant pleinement engagée, c’est à se demander si celle qui a écrit les mots peut prendre la distance qu’il faut pour les dire au théâtre.

L’Homme se félicite de partir en vadrouille épicée avec une belle jeune femme ; mais elle ne veut pas accepter ses avances insistantes sans contester leur sens. Leurs échanges bousculent les stéréotypes de la sexualité, voire les caricatures des relations homme-femme. Chacun est amené à exposer ses désirs, ses peurs, ses colères. Les dialogues peuvent même déranger, car ils abordent crûment le sexe, mais c’est fait dans un langage vif qui suscite bien des rires dans la salle.

Le titre fait référence à Lilith qui, dans la tradition juive, était la première femme d’Adam, faite comme lui de la terre, mais rebelle à son autorité masculine. Dieu l’a remplacée en bricolant avec une côte d’Adam une autre femme, Eve, plus amène. Lilith la rebelle est devenue le symbole du refus des femmes à accepter le pouvoir des hommes.

La Lilith de cette pièce raconte enfin à son Adam le viol collectif qu’elle avait subi, piégée par son amoureux. Le but de son voyage est de tuer le coupable.

Ils arrivent, elle prend son pistolet et confronte son violeur. Il a tellement peur, comme elle avait eu peur pendant le viol collectif, qu’elle ne tire pas. La symétrie lui suffit. Lilith ne hait pas les hommes, elle veut être leur égale.


(*) Olivier Broda est venu deux fois au Mail, comédien dans La Panne, metteur en scène de Calas.

Continuer la lecture
P U B L I C I T É

Inscription newsletter

Catégories

Facebook

LE VASE sur votre mobile ?

Installer
×