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Théâtre

Ceux qui ne peuvent pas se passer d’amour

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L'art des monologues

Carole Bouquet est Hélène Barnèche.

Sur scène avant le spectacle Heureux les heureux, un homme ouvre une succession de volets sur un grand panneau, découvrant mot par mot la citation de Jorge Luis Borges que Yasmina Reza met en exergue au début du roman dont la pièce est tirée. « Heureux les aimés et les aimants, et ceux qui peuvent se passer d’amour. Heureux les heureux. » La pièce concerne les exclus de ce bonheur, qui peinent à aimer ou être aimés, mais qui ne peuvent pas se passer d’amour.

Raoul Barnèche bouffe le roi de trèfle.

Carole Bouquet joue les quatre membres de deux couples, Robert et Odile Toscano, Raoul et Hélène Barnèche. Elle change de costume (et de coiffure : cheveux en arrière pour les maris, sur les épaules pour les femmes), mais garde la même voix, la sienne, claire, légère et parfaitement projetée (avec quelques bafouilles), et laisse le style de chaque personnage se révéler par les paroles prononcées, le style, les intonations. Le texte se prête au cadre théâtral, car la comédienne s’adresse directement au public.

Des quatre monologues, les trois premiers sont des variations sur le thème de l’exaspération conjugale. Robert ne supporte pas le comportement autoritaire d’Odile dans un supermarché – tout ça pour un fromage ! Odile ne supporte pas la réaction de Robert à l’envie (provocatrice, certes) qu’elle a de lire au lit. Raoul s’emporte, au point de bouffer le roi de trèfle qu’il s’apprêtait à jouer quand Hélène fait une erreur au bridge.

Avec le quatrième personnage, Hélène Barnèche, le spectacle change de ton et d’intensité. Assise dans un wagon de Métro parisien, elle parle de ses retrouvailles avec un homme avec lequel elle a eu une relation passionnée trente ans avant, alors qu’elle était déjà mariée à son pauvre « Bouly ». Soudain, il est en face d’elle dans le Métro et lui dit « Hélène ». Il la somme de le suivre à nouveau. Elle accède, descend avant sa station. « Tu m’appartiens ! » déclare-t-il.

Carole Bouquet fait d’Hélène une femme rendue perplexe, d’abord par cet homme vieilli et délabré, mais surtout par sa propre réaction. L’homme l’a toujours dominée, lui imposant ses envies et caprices. Elle avait cède, sans comprendre sa perte de repères, dans une relation qui bafouait l’instinct de la préservation de soi, parce qu’il reposait sur de solides bases sadomasochistes.

L’énervement est le lien principal dans les trois autres monologues. Le quatrième s’en détache. Il plonge dans le secret d’une femme attirée par la soumission. Elle n’analyse pas, elle ne cherche pas à comprendre, elle constate sa jouissance, c’est tout.

En racontant, Carole Bouquet replie deux pans de sa robe sagement grise, révélant une jupe piquée de fleurs. Elle danse devant la salle. Hélène aurait-elle rejoint, sans s’en rendre compte, le groupe des heureuses ?

Pour le contexte plus large de cette adaptation voir l’article L’impasse des couples.

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