Le Steinway D (le « d » indique sa qualité hors pair), acquis l’année dernière par la Cité de la Musique, a été inauguré au cours d’une Journée du Piano avec, en solistes, deux jeunes lauréats du Concours International du Piano de Lille. Sous le titre Un après-midi de Vienne (reflétant l’accent mis sur la musique Romantique cette saison), deux concerts et un atelier ont eu lieu le même jour.
Son entrée est accomplie, donc ; mais il est à la Cité depuis plus d’un an, le temps de finaliser un achat tout de même conséquent (et encore il est d’occasion), et ensuite d’effectuer une longue acclimatation et d’autres réglages pour l’habituer aux conditions dans les lieux. Un variable critique est l’hygrométrie, par rapport à laquelle il a été accordé et réaccordé. Lors de sa première apparition pour un concert de Jean-Philippe Collard en décembre 2022, l’accordeur Cyril Mordant a dû même intervenir à l’entracte.
Le mystère a été dissipé en juin dernier, juste avant la présentation de la prochaine saison.
La période d’ajustement est terminée, et le piano est à présent entré officiellement en service. La Cité n’aura plus à louer un instrument, avec toute la logistique que cela implique, chaque fois qu’un piano est nécessaire.
Vincent Martinet
Au concert d’après-midi, le jeune Vincent Martinet a donné un récital de Mozart, Schubert et Beethoven, admirablement choisi pour explorer et démontrer les propriétés du piano, sans ostentation, sans pousser le volume. Le premier morceau surtout, la Fantasie en ré mineur de Mozart, a permis au soliste de faire entendre les qualités dans une sorte d’intimité, sans emphase.
Le soir, la jeune Mirabelle Kajenjeri, entourée de l’orchestre de Picardie, s’est assise au piano et, entre les trois accords fortissimo de l’orchestre, a joué les premiers longs passages en solo avec la puissance qu’il fallait. Voilà le Steinway à plein régime.
Cyril Morland, accordeur/préparateur de pianos
La Journée a commencé et fini ainsi. Mais un atelier entre les deux concerts a éclairé l’environnement technique d’un tel instrument. Il a été animé par le même Cyril Mordant, accordeur et préparateur de pianos, qui a utilisé un instrument d’étude pour illustrer et expliquer les soins qu’exige un piano.
L’accordage est la mieux connue des opérations d’entretien, mais loin d’être la seule. Cyril Mordant a extrait la mécanique du corps du piano pour exposer et démontrer comment il prépare un instrument pour chaque pianiste, selon ses préférences. Celles-ci comportent, par exemple, le diapason (c’est-à-dire la fréquence des notes, la dureté et la portée du mouvement des marteaux, et d’autres ajustements et traitements. La séance a confirmé la grande complexité d’un piano de concert, et aura permis aux participants d’être plus informés quand ils l’écoutent. Comme un cheval de course, un piano possède à la fois une force extraordinaire et une grande sensibilité. Il a aussi sa propre élégance sévère, avec son coffre massif et courbé, son couvercle levé, son clavier qui attend les doigts du pianiste (et pour lequel, rappelle Cyril Morland, le recours à l’ivoire est désormais interdit).
Plus simplement, il a répondu à la question de l’ouverture du couvercle pour jouer. Laisser sortir le son, c’est tout ? Certes, mais le couvercle n’est pas enlevé, seulement incliné, de façon à diriger le son vers les auditeurs.
Un après-midi passé à Vienne, mais dans les locaux de la Cité de la Musique, aura consacré le choix fait en procurant le Steinway, un atout durable pour la grande salle et son acoustique impeccable.
Un commentaire ? denis.mahaffey@levase.fr