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Le Vase des Arts

Une amitié parolière

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L'art de la musique et des paroles

Tout un collectif s’est formé autour du chanteur-compositeur-auteur Mary pour sortir Colibri, premier album du groupe soissonnais Wiliwaw. Voici l’histoire d’une des amitiés qui y sont nées.

J’ai vu Jean-Philippe Mary pour la première fois sur la scène du Mail en décembre 2014. Les clowns Camilla Pessi et Simone Fassari venaient de le désigner parmi les spectateurs pour les rejoindre sur le plateau. L’humour dans ces cas consiste généralement à rendre le volontaire forcé ridicule. Mais il a tenu son rôle de porteur pour quelques acrobaties avec aplomb – sans faire le pitre, autre possibilité pénible dans de tels cas – et a été applaudi en retournant à sa place (avec une banane à moitié mangée pour toute récompense).

Deux jours plus tard je l’ai aperçu à la sortie d’un autre spectacle. Je l’ai abordé pour dire que j’avais apprécié sa prestation. Apprenant qu’il était le chanteur-compositeur-auteur Mary, j’ai proposé de le rencontrer pour un article dans le Vase des Arts.

Chez lui, il m’a raconté qu’avant il chantait des reprises, en y ajoutant quelques-unes de ses propres compositions. Des auditeurs lui avaient dit les préférer, et il avait pris la grande décision de se lancer.

Il a montré sa toute nouvelle « loop station ». A partir seulement de sa guitare et d’un clavier, ce boîtier noir par terre, dont il faisait fonctionner les boutons avec le pied, permettait des mises en boucle successives, piste sur piste. Puis il a commencé à chanter comme s’il était accompagné par un groupe d’instrumentistes. L’article s’est intitulé Le musicien mille-feuille.

Le parolier et le compositeur dans un jardin

Cela aurait pu être cela. Mais quelque temps plus tard il m’a appelé pour demander de regarder des paroles d’une chanson. Il me les a envoyées par Internet, puis est venu me voir. Mary devait penser que le texte d’une chanson serait simple à revoir pour un journaliste.

Mais l’inspiration d’un parolier est bien différente que celle qui sert à écrire de la prose, documentaire ou imaginative ; différente aussi d’un poème (dont j’ai commis quelques exemples). La prose, à moins d’être expérimentale, se doit d’être cohérente, logique, compréhensible. Le journalisme propose des informations et des commentaires. La poésie se permet tous les écarts dans son effort de transmettre son sens. Les paroles d’une chanson n’ont pas de place pour la démonstration : elles doivent agir par pointillisme, un mot ici, une phrase là. La structure doit être simple : un vers, un pont, un refrain. La musique prime : les mots sont des messagers qui annoncent ce que disent les notes.

Nous avons travaillé Etre là, qui allait donner son titre au premier album d’essai de Mary. Nous fonctionnions par rebondissements, des mots échangés comme des balles en caoutchouc, en tentant constamment de rectifier le tir. J’étais ignorant des particularités du chant : j’ai changé « un océan de bleu » avec son sifflement, en « mer de bleu » plus mélodique, je pensais. Le vers est revenu, « mer » remplacé inexorablement par « océan ». Pourquoi : « Dis seulement à haute voix ce que le public va entendre, tu verras. » J’ai essayé ; j’ai accepté « océan ».

Je suis intervenu à nouveau (toujours par à-coups, Mary restant le parolier principal) pour son second album en 2018, Ombre ou lumière, une réflexion sur la dualité de la vie, un mûrissement de sa pensée.

Enfin son nouvel album Colibri, qui vient de sortir, représente un nouveau départ, car Mary s’est entouré de nombreux musiciens, instrumentistes et chanteurs, dans le collectif Wiliwaw. Il a quitté son autonomie, devenue un isolement sécuritaire. Il est beaucoup plus exigeant pour la qualité de l’enregistrement, qui lui a pris un an. Il s’agit non pas de perfectionnisme mais de « faire de son mieux », ne laisser passer aucun défaut réparable.

Nous y avons collaboré sur plusieurs chansons en anglais, notamment Only intensity penetrates. De ce dicton, que j’avais entendu dans la bouche d’un maître indien, Mary a tiré un constat profond : seule la remise en cause de ce qui sous-tend le vide du quotidien peut faire basculer vers la transparence salvatrice.

Mary a entendu un verset que j’avais écrit, « I don’t want to be a no man » (Je ne veux pas être l’homme du Non). Il a voulu que j’en fasse les paroles d’une chanson. Je n’ai pas réussi, seul, à mettre les pieds sur la corde raide du vrai parolier. Mais ce retour sur la collaboration précieuse avec Jean-Philippe Mary qui, malgré ses vieux démons, vit avec courage en choisissant le « Oui ! », me fait décider d’y revenir. Et si c’était pour le prochain album…

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